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Dans les geoles de Minsk Mazowiecki

par Israël Reichenbach – Tel Aviv

Traduit par S. Staroswiecki

Nous étions en août 1920.L'armée Bolchevique avait entamé sa grande offensive d'invasion en Pologne et avait pénétré en profondeur en territoire polonais. Le gouvernement polonais de l'époque était constitué d'ouvriers et de paysans. Dashinsky, Vitos, mais également le général Haller qui dirigeait le pays, avec son armée aux uniformes bleus, les “Halertshikes” qui avaient introduit dans chaque village la “mode” de tailler les barbes juives et d'arracher des lambeaux de peau et de chair.

Ils avaient reçu l'ordre d'arrêter tous les militants politiques et avaient exécuté cet ordre.

Mon nom, souligné de deux traits rouges, figurait également sur le mandat d'arrêt. Ce qui signifiait : arrestation à tout prix en raison de mes activités associatives à cette époque, en qualité de président de la société de Kałuszyn. Cependant, ils ne réussirent à m'arrêter avec tous les autres, car, à ce moment, je me trouvais à Varsovie, à l'hôpital Oujazdover, aux mains de la commission de mobilisation militaire.

Après avoir quitté l'hôpital Oujazdover avec une permission de trois mois, je suis descendu à la gare de Mrozi avec l'intention de rentrer tranquillement à la maison, à Kałuszyn. Mais à la gare, un émissaire m'a prévenu d'éviter la ville parce qu'on m'y attendait….

J'ai passé la nuit à Mrozi, avec, dans l'idée de retourner au matin à Varsovie, mais dès l'aube, la police de Mrozi a assiégé la gare et exigé les papiers d'identité. Je leur ai montré le document de permission de l'hôpital, mais ils ont aussitôt cherché mon nom dans la liste des suspects et un des policiers de Kałuszyn, au moment de lire mon nom (Reichenbach), dur à prononcer, s'est écrié: “Psha krew”, un salaud de communiste et la station a résonné de son “salaud”. On m 'a amené au commissariat de police de Mrozi et affecté un gardien spécialement pour moi. J'ai mené des négociations avec mon gardien pour qu'il me libère. Je lui ai proposé beaucoup d'argent. Il a aussitôt répondu à ma proposition : Je t'aurais bien libéré si tu n'avais été qu'un voleur ou un bandit, mais un communiste?…

Et en attendant, une heure plus tard, on a amené une autre personne qu'on avait arrêté, un déserteur, un jeune homme de Mrozi âgé de 18 ans. Vers 11h, le commandant de police est arrivé. Il était déjà au courant de notre arrestation et montrait ses compétences à chacun d'entre nous ; me pointant du doigt et me traitant de “communiste” et le second de “déserteur”. L'interrogatoire du déserteur débuta par ces paroles : “Tu manges du pain polonais alors que notre pays est en danger, et pour quelle raison as-tu déserté l'armée ? “Le jeune homme a essayé de répondre quelque chose, mais le commandant s'est servi de sa main puissante et l'a frappé avec délectation, tandis que l'écume coulait de la bouche du tortionnaire. J'attendais, persuadé qu'à présent, pauvre de moi, cela allait être mon tour. Mais, à mon grand étonnement, il s'adressa à moi avec un “prochem pana” afin que je lui signe le rapport qui montre aux plus hautes autorités, qu'il avait réussi à exécuter les ordres et qu'il avait transféré le prisonnier communiste Reichenbach.

 

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Kaluszyner dans la prison de Minsk Mazowiecki

 

Je n'étais pas d'accord pour signer et je lui ai demandé sur quoi il se basait pour me qualifier de communiste. Il me répondit qu'il n'était pas forcé de m'en expliquer la cause et que j'avais le droit de ne pas signer le rapport. J'ai donc décidé de ne pas le signer et 2 agents de police m'ont reconduit à Minsk Mazowiecki. Au commissariat de police de Minsk, on s'est “réjoui” de me voir et, après une courte procédure de contrôle, on m'a transféré à la prison de Minsk. J'y ai retrouvé toutes mes connaissances -Les détenus de Kałuszyn –Ezra Skovronek, Menahem Domb, Berish Altenberg, Itche Milgrom, Hersch Yossel, Sokol, une de sœurs Winokamie, Mendel Groushke , Moshé Rozenfeld et le grand Joseph. Parmi les personnes arrêtées se trouvaient également 15 prisonniers politiques de Minsk Mazowiecki. Les camarades Tchelandnitsky, Welondik, Slotsky, avaient réussi à échapper aux arrestations et s'échapper à Varsovie. Grâce à l'intervention de ces camarades, les comités centraux des partis ouvriers nous avaient envoyé de l'aide : 80000 zlotys ce qui constituait une grosse somme à l'époque. Nous avons bientôt choisi un trésorier parmi nous Ezra Skovronek et réparti notre groupe en trois – Les riches, la classe moyenne et les pauvres - et avons décidé comment chacun bénéficierait de l'aide. Les pauvres en reçurent leurs moyens de subsistance et les plus aisés en reçurent une partie. L'administration pénitentiaire se comportait avec tolérance vis-à-vis de notre collaboration et l'accord que nous avions conclu avec une voisine de prison pour qu'elle nous approvisionne en nourriture. L'administration était ainsi dégagée de l'obligation de nous nourrir et se gardait pour elle les frais qu'elle aurait du engager.

C'est ainsi que nous avons organisé notre quotidien en toute fraternité. Et il est important de mentionner qu'un des détenus, Grinberg, a suscité l'admiration de tous les prisonniers par ses nobles et fraternelles initiatives ainsi que par sa direction. Nous lui étions tous attachés corps et âme. Les jours passaient longuement depuis cette sombre journée d'arrestation. L'air était de plus en plus étouffant, le front se rapprochait. Apprenant que l'armée bolchevique était arrivée à Siedlce, nous avons discuté en prison de la conduite à tenir.

Nous avons réfléchi à ce qui nous attendait du côté du pouvoir polonais du fait du rapprochement du front. Nous entendions divers sons de cloche : que l'on nous transfèrerait à Poizen dans la prison de Wronk, ou bien que nous serions mobilisés dans l'armée et d'autres disaient aussi que nous serions libérés. Nous ne croyions pas à notre libération. Nous y voyions une provocation des autorités parce qu'elles pensaient que nous avions dans l'idée, les bolcheviques approchant, de nous libérer par la force. Ces rumeurs relatives à notre proche libération étaient propagées par les autorités pour nous détourner de nos plans de libération. C'est pourquoi la situation devenait de plus en plus tendue chaque jour et nous discutions toujours entre nous de la conduite à tenir. Un beau matin, Itchele Milgrom m'a appelé à l'écart dans un coin de la cour de la prison et, avec tout son talent d'orateur, m'a fait comprendre que nous étions en danger, que nous allions être emmenés chacun séparément dans une autre prison et que nous allions rester sans trésorier et sans caisse. Il m'a expliqué sa proposition de répartir tout l'argent de la caisse, chacun selon ce qui lui revenait. J'ai vu dans sa proposition une bonne intention et j'ai accepté. Afin de discuter de ce sujet, nous avons appelé tous les prisonniers de Kałuszyn à se réunir. Itchele a détaillé son plan et après un échange de points de vue par rapport à ce qui pourrait éventuellement se passer, nous avons décidé de répartir son argent et nous avons décidé joyeusement qu'au cas où un des prisonniers réussirait à se libérer ou à s'enfuir et parvenir à Kałuszyn, il ne dépenserait pas l'argent de la prison, mais il le donnerait aux camarades locaux, à des œuvres communautaires et sociales.

Entre temps, Les bolcheviques s'étaient rapprochés de Kałuszyn et étaient même parvenus sur la route de Minsk Mazowiecki. A ce moment, nous avons pris la décision de rester éveillés et d'attendre. Nous sentions que la nuit serait décisive et elle le fut.

Vers 10-11h du soir, un grand détachement de policiers a cerné la prison et le commissaire a annoncé “Prenez tout et sortez dans la cour”. Le commissaire de police –un homme de petite taille portant lunettes et aux yeux perçants, passa entre les prisonniers jusqu'à ce qu'il tombe sur Itche Milgrom, et après que celui-ci lui eut donné son âge, le commissaire lui lança un “poshal won do domu” le libéra, fit mettre tous les autres sur une rangée et les amena au commissariat de Minsk Mazowiecki.

Un évènement tragique fut sur le point de se produire au commissariat. Nous nous tenions debout, lorsque nous avons entendu un coup de feu et, immédiatement après, est arrivé à cheval un Poznantshik des avant postes militaires. Il nous a accusés d'avoir tiré et proclamé que nous devions tous être fusillés. Le commissaire eut de la peine à expliquer au militaire que nous n'étions pas coupables, mais finalement un bain de sang fut évité. Après une première halte au commissariat, on nous a ordonné de nous mettre en marche vers Varsovie et tôt le matin, nous sommes arrivés à la citadelle de Varsovie. Là bas, toutes les personnes aptes ont été réparties dans l'armée polonaise. Et seuls certains de notre groupe ont pu éviter d'être envoyé dans l'armée polonaise et se rendre à Kałuszyn.

Parmi nous, il y avait le grand Joseph, tourneur de profession. Il lui manquait toujours deux jours dans la semaine. Un Juif que la pauvreté accompagnait dans son réduit. Il ne critiquait ni Dieu, ni les gens et pas même la bourgeoisie. Un travailleur silencieux et digne qui répondait toujours par un large sourire au visage. J'ai toujours pensé que le surnom “le grand Joseph” n'était pas honteux pour ce Juif honnête. Et cette fois, il s'est avéré que son nom constituait son essence, le grand Joseph, le plus grand et le plus honnête des hommes. Joseph Sapirstein a accompli la Mitzva dans sa totalité et réalisé la décision heureuse qui avait été décidée entre les murs de la prison de Minsk. A son arrivée à Kałuszyn, il a ,sans la moindre retenue, donné tout l'argent de la caisse, sa part de détenu aux camarades locaux de Kałuszyn pour qu'ils la distribue comme convenu à des œuvres sociales. Et une fois de plus, je fus convaincu de la justesse de ma pensée vis-à-vis du grand Joseph. Ce grand et digne camarade Joseph Sapirstein.


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1920: La panique

par Yakov Palma

Traduit par S. Staroswiecki

Le 15 juin 1920 après midi, le frère cadet de Moshé Goldberg me dit que David Zylberberg m'appelait d'urgence. J'ai quitté l'atelier précipitamment et ai rencontré David Zylberberg, prêt à se mettre en route. Il m'a averti que la police de Minsk Mazowiecki allait procéder à des arrestations au sein des activistes du parti. Et que lui, Ezra Skorowek et moi-même étions sur la liste de la police de Powiatov. David attendait déjà pour prendre congé de nous et je me suis rendu immédiatement aux archives du parti bundiste qui se trouvaient, à l'époque au domicile de David. Une grande partie des archives est partie en fumée et Mendel Groshke (mort à Londres) a emporté le reste en lieu sûr.

Après m'être occupé des archives, j'ai pris des chemins détournés pour prévenir les camarades. Les policiers s'étaient déchaînés, abattant leurs fouets sur nos têtes et le chaos règnait dans toute la ville.

Après avoir réglé toute mes affaires , je me suis rendu chez mon maître Abraham Aron Edelweiss pour y passer la nuit. Vers 6h du matin, j'ai été réveillé par de l'agitation dans la rue et j'ai vu, par la fenêtre, des groupes de jeunes gens encerclés par la police. De temps en temps, on en ramenait d'autres. Soudain j'ai vu Ezriel Skorowec (qui avait passé toute la semaine à Varsovie et était retourné à la maison par hasard. Instinctivement, j'ai poussé la fenêtre et j'ai vu qu'en face, 2 policiers faisaient irruption dans mon appartement. Pendant ce temps, le nombre de personnes arrêtées dans la rue ne faisait que grossir. J'ai vu Hersch, Yossel Sokol, Menachem Domb, Moshé Rosenfeld, Esther Zinikomien, Ezriel Skorowek etc…. Et quelques heures plus tard, toutes ces personnes ont été conduites en charrette à la prison de Minsk Mazowiecki.

On m'avait informé que la gare de Mrozi était surveillée et que, chaque fois qu'un train s'arrêtait, les passagers étaient passés au crible. Après réflexion, je décidai de me rendre à Mrozi, là où Shlomo Zylberman possédait une maison de campagne, afin de poursuivre ma route vers Varsovie. A Mrozi, je me suis retrouvé avec Shlomo Wellendik et Abraham Gluzman. Malgré que l'appartement ait été situé au fin fond du village, la police eu vent de son existence. Et trois jours plus tard, un Shabbat après midi, Moshé Goldberg et Itche Kranarski ont couru à travers champs nous prévenir. “Camarades, fuyez, la police arrive !” Immédiatement, nous avons pris la décision de retourner à Kałuszyn tandis que la police continuerait de nous chercher à Mrozi. Pour ne pas perdre de temps, nous nous sommes mis en route, Abraham Gluzman et moi-même avons coupé à travers champs en empruntant le “chemin de Patok”. Lorsque, tristes, nous sommes arrivés en ville, des voyous nous sont tombés dessus en hurlant : “communistes”. Mais faisant comme si de rien n'était, nous avons traversé la cour de Krochnalnitshke sautant par-dessus la barrière, vers la maison du rabbin Naftali, afin de nous mêler aux fidèles en prière, à l'heure de Minha. Plus tard, je suis monté chez Moshé Paskinski, et sa mère, Sarah Léa (que la paix soit sur elle), m'a caché quelques jours et j'ai pris la décision de me rendre à Varsovie. Si je ne pouvais m'y rendre en train, alors je m'y rendrais en charrette. On m'avait réservé une place comme “cocher” parmi les charretiers, qui transportaient des marchandises entre Varsovie et Kałuszyn.

Sur la route de Varsovie, à proximité du pont, une charrette chargée de sa cargaison m'attendait. Le véritable cocher, le grand fils Zalman avait reçu de l'argent pour acheter un billet de train tandis que Haïm Mordekhai et moi nous mettrions en route. Moi, à la place du cocher avec fouet et rênes et mon voisin à côté de moi faisions attention à ce que je ne tombe pas dans un fossé…. Et malgré tout, nous sommes arrivés sains et saufs à Minsk Mazowiecki.

A un barrage, des militaires ont fouillé le chargement et vérifié nos papiers. Tout s 'est très bien passé et nous avons poursuivi notre chemin jusqu'à Milosne. Il était presque minuit et nos yeux se fermaient, lorsqu' à nouveau une patrouille de police fit son apparition. Ils nous inspectèrent et trouvèrent que mon allure ne leur plaisait pas. Ils me saisirent et me jetèrent dans une cellule sombre. Je restai assis jusqu'au matin, à même le sol et j'eus le temps de réfléchir à ma situation. Je devais poursuivre mon chemin jusqu'à Varsovie et de là bifurquer vers Kałuszyn où tout était resté sans commandement. Au matin, on me conduisit au poste de police pour vérifier mon identité. Mon visage rasé et mes mains frêles ne correspondaient pas à la profession de charretier. Qui étais-je donc alors ? Sûrement un déserteur. On m'envoya alors à la gendarmerie de Minsk. Et je me suis retrouvé aux mains de la PKU militaire. Un commandant ayant autorité sur les détenus, un jeune prêt à cogner m'a fait monter. Il m'a reniflé en disant “Hum.. Un Juif”. Il m'a confisqué mes cigarettes et le peu d'argent que je possédais (insuffisant pour lui) et, proférant des insultes, m'a allongé le long du lit de planches. Des bras m'ont tenu fermement et le commandant en personne m'a frappé avec une chaussure militaire à clous. Ne pouvant me retenir, je me suis mis à hurler de ma pauvre voix de Jacob. Les fonctionnaires et officiers ont accourus en entendant mes cris. Ils ont vérifié mes papiers et après avoir constaté qu'ils étaient “en règle”, m'ont libéré. J'étais libre à nouveau, mais, voyant affluer les policiers de Kałuszyn vers l'immeuble du PKO, je suis sorti dans la rue, sans perdre une minute et me suis rendu chez mon oncle Israël Haïm, mangé un bout, passé la nuit, pris un peu d'argent de poche et décidé de me mettre à nouveau en chemin.

Avant de reprendre la route, je décidai de rendre visite à mes camarades détenus à la prison de Minsk. En échange d'une pièce, le gardien de prison m'ouvrit grand la porte et c'est dans une ambiance de fête que je pus voir tous les prisonniers. Ma visite soudaine avait provoqué de la joie et en voyant l'état d'esprit des détenus, j'en suis ressorti avec plus d'assurance. Ces hommes étaient portés par un idéal et le travail accompli depuis des années avait porté ses fruits.

Au matin, je suis reparti rendre visite à mes camarades. Tous les détenus ne cessaient de me poser des questions, et au moment même où nous discutions, j'ai vu deux policiers amener Israël Reichenbach. On l'avait arrêté à la gare de Mrozi. Les policiers m'ont fait la remarque, si j'ai bien compris, que Minsk avait “brûlé” et qu'il fallait prendre la route au plus vite.

Tôt le matin, je suis parti à Kolibiel avec l'idée de bifurquer vers Varsovie. Le cheval se traînait lentement, la carriole cahotait et je tentais en somnolant de faire le point sur ma situation et de réfléchir à tous ces évènements. L'armée polonaise avait été mise en pièces près de Kiev et s'était enfuie dans l'affolement. L'armée Rouge avançait à grands pas, le pouvoir polonais déversait sa fureur sur la population juive. A l'intérieur des terres, les arrestations avaient pour effet de diminuer les effectifs. Tous les jours de nouveaux décrets : “Yavlone”. On fermait toutes les organisations politiques et professionnelles. Les journaux juifs étaient interdits le “Bund” avait pris position contre l 'entrée de l'armée Rouge. Que faire à présent? Comment trouver une issue ?

Et je pensais : Ne valait-il pas mieux aller en prison avec mes camarades. Mais bientôt je me dis : A qui la faute ? Non, il valait mieux rester libre, rester en relation avec le groupe et renforcer son courage dans de telles épreuves. Et ainsi, plongé dans mes pensées, je me suis rapproché avec mon cheval et ma carriole, de Kolibiel. Je me suis arrêté au milieu de la place du marché et, j'ai pris un verre de thé dans un bistrot. Bientôt, un jeune homme est arrivé, suivi d'une jeune fille et nous nous sommes réjouis ensemble. On connaissait mon nom (Kapotè) à cause de mes activités dans la région. On m'a sorti du bistrot, et à nouveau des camarades sont arrivés et m'ont demandé des nouvelles. J'étais épuisé et j'ai demandé s'il m'était possible de me reposer. Le lendemain, un policier a demandé mes papiers, et lorsqu'il a vu “Kałuszyn”, il m'a ordonné immédiatement de repartir. Il ne voulait pas avoir de Kałuszyner ici. Je suis passé à Otwosk et me suis retrouvé à nouveau dans de la famille, chez un de mes oncles.

La confusion régnait là aussi. Le train local Kourtshev- Varsovie marchait encore, mais il était bourré de gens d'Otwosk, qui s'enfuyaient avec toutes leurs affaires à Varsovie. C'est là que j'appris qu'en France, on formait la nouvelle armée polonaise : les “Halertchikes”. D'effrayantes nouvelles nous parvenaient de Yavlone : Deux trains militaires étaient entrés en collision et deux habitants de Kałuszyn figuraient parmi les victimes (Motl Piasetski était mort et Moshé Jélazné avait été blessés). Le troisième jour, il s'avéra que je ne pouvais plus rester chez mon oncle. Il pleurait pour moi, moi le non-Juif. Il avait fait une marque sur les Tefillin et il s'était convaincu que je ne priais pas… Le Juif était assis et pleurait et allez lui expliquer mon nouveau crédo révolutionnaire ! Je choisis de me taire et de chercher du travail, creuser des tranchées à proximité de la Vistule à Kourtshev. Nous travaillions du lever du soleil, jusque tard dans la nuit et nous dormions sur les rives de la rivière, sous la surveillance féroce, cruelle des soldats. Les nuits étant froides, nous nous blottissions les uns contre les autres pour parvenir à dormir quelques heures, mais cela ne durait pas longtemps.

Un beau matin, les soldats sont partis, laissant les tranchées à l'abandon et les ouvriers désœuvrés. Je suis retourné à Otwosk et j'ai trouvé la demeure de mes proches fermée à clef. Ils étaient partis à Varsovie et avaient laissé la maison à l'abandon. J'ai pris possession du grenier, vide, qu'ils n'avaient pas fermé à clef et j'ai trouvé à la cave une “réserve” de pommes de terres, de quoi tenir plusieurs jours.

Otwosk était dans un terrible état de désorganisation et totalement coupé du monde. L'armée s'était retirée, le train, le tortillard arrêtés. Les bureaux officiels fermés. Il faisait très chaud et je cherchai mon chemin dans les rues désertes. La majeure partie de la population juive avait pris le chemin de Varsovie. J'étais perdu et j'étais à la recherche de mes amis détenus. Et voici qu'un après midi, le premier bolchevique a pointé son nez, vécu de kaki, appuyé d'une main contre son fusil, et de l'autre se grattant la peau sous sa chemise. C'était le premier, et dans les bois environnants, les autres suivaient.

 

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Kaluszyner dans l’armee Polonaise 1919-1920

 

Les bolcheviques. Cela faisait déjà trois ans que nous en entendions parler depuis la révolution d'Octobre. Nous avions eu de nombreuses discussions et débats dans le parti. Nous avions fondé beaucoup d'espoirs mais étions également déçus. Chacune de leurs paroles était semblable au son du shofar annonçant le Messie elle pénétrait profondément dans nos consciences. Et à présent je le voyais, le bolchevique, ce fougueux moujik m'apparaissait comme un sauveur, mystérieux dans son silence …

J'ai couru en direction du bois afin de voir la nouvelle armée par curiosité autant que par révérence. Il y avait deux douzaines de cavaliers -les camarades. Ils me dirent que l'armée Rouge allait pénétrer incessamment dans Varsovie. Bientôt ils feraient route vers Berlin et proclameraient la victoire de la révolution mondiale.

Sous l'effet de ces paroles, je tombai en extase, là où la réalité et le rêve se confondaient et n'avaient plus de limites. Mon ami le commissaire mit fin à ma fébrilité. Il donna un ordre et, en un clin d'œil, tous les cavaliers partirent. Le commissaire me salua et me conseilla de rentrer à la maison. Il faisait sombre et la nuit tombait.

Je n 'étais pas encore parvenu à la maison quand j'entendis des tirs un tir de mitrailleuse au-dessus de ma tête. Je me suis jeté à terre (j'avais été soldat auparavant) attendant la fin de la fusillade et suis parti en ville à la recherche d'un camarade, avec qui partager mon enthousiasme. Les profondes relations humaines et de camaraderie que j'avais nouées avec les bolcheviques avaient profondément pénétré mon état d'esprit. Il y a quelques semaines encore, j'étais pourchassé comme une bête sauvage, harassé physiquement et mourant de faim et voici que je transcendais mes vingt ans en quelque chose de plus grand, de merveilleux, j'étais traité en “camarade” plutôt qu'en “Juif”, j'étais en route vers la liberté plutôt que vers la prison, vers l'égalité plutôt qu'à l'abaissement. Dans mon état exalté j'avais le sentiment que quelque chose de nouveau et de puissant se produisait.

*

Cette même nuit, les Juifs d'Otwosk qui étaient restés s'étaient réunis dans les bâtiments en briques autour du “Bazar d'Otwosk” dans les caves aux plafonds voûtés, se serrant les uns les autres comme des moutons avant la tempête.

Je me suis rendu le matin dans une “villa” afin de rendre visite à la famille et à quelques jeunes gens restés dans les “tranchées, fossés”. Je me suis assis sur l'herbe mais bientôt se produisit un raid aérien, à coup de bombes et de lourds tirs de mitrailleuse. Nous avons couru, pliés en deux et avons cherché un abri. Le souffle d'une bombe me projeta à nouveau au sol. Une maison à proximité fut touchée. Au loin s'élevait une épaisse fumée et des flammes. Une femme poussait un cri déchirant, son enfant mort dans les bras, touché par un éclat. Une autre bombe éclatait à présent sur la ligne de chemin de fer. Je me suis étendu à terre afin d'éviter les tirs des avions.

Ils volaient très bas, et n'étaient pas dérangés dans leur travail de mort. Puis la nuit tomba à nouveau. Dans les immeubles autour du “bazar”, l'atmosphère était oppressante. On se tenait en cercle et on commentait les évènements de la journée. En écoutant les conversations, J'appris qu'un plus grand régiment de l'armée Rouge était arrivé au matin, en ville, près de la gare ; après le raid aérien, ils étaient partis dans les bois les plus proches, mais ils étaient revenus le soir et un de leurs commandants était logé non loin de chez nous. Je me suis rendu vers 11 heures du soir chez le commandant le “camarade Poulkovnik”. Je lui ai fait comprendre la nécessité de retourner à la maison et je lui ai demandé un “sauf conduit”, afin que l'on ne m'arrête pas sur le chemin. Il me répondit qu'il n'avait pas le droit de faire ce genre de choses, qu'il appartenait à une unité mobile du front. Sentant en lui quelque chose de spécial, je me mis à lui parler ma “langue maternelle” et miracle : il parlait yiddish, un yiddish de Lituanie. Il me dit que je pouvais partir librement. Devant l'armée Rouge, il suffirait de dire “yevrei” et l'on ne me ferait pas de mal. Il me donna quelques indications pour parcourir les premiers kilomètres du front. Dès l'aube, je suis parti à pied en direction de Kolibiel.

Le mot magique, le talisman “yevrie” que le camarade “Poulkovnik” m'avait mis dans la bouche, fit l'effet d'un sésame. Sans tenir le moindre compte du danger qui me menaçait, je me suis mis en route en direction de Kolibiel.

J'ai pu parcourir les premières lieues en suivant “le chemin polonais” qui m'a conduit vers des chemins de traverse. A part moi, il n'y avait pas âme qui vive. J'entendis une canonnade nourrie. A gauche, au-dessus des bois les éclats volaient. Les canons résonnaient dans mes tempes et je ne sentais plus la terre sous mes pieds jusqu'à ce qu'un chemin pavé me mène sur la droite, loin derrière le front au village de Kolibiel.

Sur place, à l'hôtel de ville, je me suis adressé au “RevKom” (comité révolutionnaire) .Un officier russe charpenté m'a accompagné très amicalement. Je lui ai déversé toute mon amertume et je lui ai demandé de me ramener à la maison. Il m 'a apporté à manger et m'a expliqué tous les plans de l'armée Rouge. Alors quelle signification un village comme Kałuszyn pouvait avoir pour « la révolution » …? Il me proposa le poste de secrétaire du RevKom de Kolibiel, avec un salaire et une “ration” pour toute la famille. Je tentai de lui expliquer que ma place ne pouvait être qu à Kałuszyn et qu'auparavant, je devais m'adresser à mon parti. Désemparé, j'essayais de lui montrer qu'il était de l'intérêt de l'armée Rouge de ne pas laisser de vide derrière elle et que c'est dans la ville que je connaissais bien que je pouvais être le plus utile. La conversation se trainait en longueur, sans succès. Je quittais son bureau et parti à Minsk Mazowiecki ,en ayant toute confiance dans l'amulette du camarade. Tout le long du chemin entre Kolibiel et Minsk, je n'ai pas vu âme qui vive. Les trains russes n'avaient pas pu emprunter les lignes polonaises parce que leurs wagons étaient trop larges et les hommes se cachaient pour ne pas être embarqués au travail. A Minsk, j' appris qu'il y avait eu des meetings gigantesques à Kałuszyn, que les officiers russes et Israël Mankhemer exaltaient la foule et que les Juifs de Kałuszyn avaient accueilli, avec mépris, la délégation de paix polonaise qui traversait la ville. J'ai quitté Minsk à 9 heures du soir, dans l'obscurité, en direction de Kałuszyn. Je me suis traîné chez Hava Lea Brikel à travers les rues désertes. Un camarade, fusil à l'épaule, m'a étreint dans ses bras fermement en s'exclamant “camarade Kapotè !” Il s'agissait de Yankel Waxman (lialke) qui fut tué quelques jours plus tard, à Siemiatycze, de l'épée d'un cosaque, lorsque les partisans polonais tirèrent à la mitrailleuse sur un régiment de cosaque en fuite.

Tard dans la nuit, j'ai retrouvé quelques amis et reçu des informations : Il ne restait plus personne de la direction bundiste, une partie avait été arrêtée, une partie s'était enfuie. Abraham Gluzman et Shlomo Welondik étaient partis à Siedlce chez Yerahmiel Weinstein (un célèbre bundiste, anciennement commissaire politique dans l'armée) prendre leurs instructions. D'autres camarades du “Bund” s'étaient engagés dans la police et dans la commission de réquisition. On m'a raconté également que le curé, le rabbin, Yenkel Pienknaviech et Moshé Tchernitski avaient été conduits à Siedlce en tant qu'otages.

Dans l'administration de la ville, il y avait : au RevKom, Plivatchevski le maraîcher, Israël Mankhemer, Moshé Goldstein, un cordonnier et à leur tête, un officier russe. Au “conseil ouvrier” (à la place de l'ancien conseil municipal) : Bendit. A la commission sanitaire, Feige Obrontski, Rakhetche Z.Wolovtchik (Ce dernier fut déporté de France). Le commandant de police s'appelait Ozer Wojnik (un gendre de Toparek) un soldat à la retraite de l'armée russe, un cavalier de Sibérie. (Il était considéré comme “cultivé” par les jeunes Juifs de Kałuszyn. Il y avait également un tribunal populaire et un comité politique du parti communiste, l'organe officiel du pouvoir.

Après m'être enquis de la situation, je suis parvenu à la conclusion qu'il fallait agir contre la pauvreté régnant dans la ville et insuffler un peu de vie dans cette grande confusion.

J'ai commencé par demander au RevKom d'appeler à un rassemblement du parti du “Bund”. Le cœur lourd, j'ai fait comprendre à l'officier russe qu'il était important de réunir les quelques hommes, de former une force collective et de remonter le moral de la population locale afin de supporter des jours difficiles et de grands évènements.

Sa réponse fut très courte: “Nie razrieshaiem” (nous n'acceptons pas). J'ai tenté encore une fois de faire comprendre l'importance de la chose, mais un officier m'a répliqué d'une réponse courte et sèche. Et quand j'ai demandé pourquoi ? Il m'a rétorqué : “Le Bund est un parti contre –révolutionnaire”. Je n'ai pas eu d'autre choix que de convoquer un rassemblement sans autorisation. Je suis sorti en colère de cette réunion, j'ai rencontré Israël Mankhemer (avec qui j'avais noué une profonde camaraderie depuis le Heder, la maison d'études et mes premiers pas sur les larges chemins de terre). Comme à son habitude, il s'est fièrement et innocemment empourpré et m'a tendu la main. Je lui ai raconté toute notre conversation et le refus ferme du président et de ma décision encore plus ferme de procéder à la réunion. Et je lui ai dit fraternellement, que s'il avait du courage, il devrait venir seul nous arrêter.

Israël Mankhemer s 'était perdu et s'était retrouvé chez l'officier. J'ai fait le tour des postes de police. Là bas, j'y ai trouvé le commissaire Ozer wojniak. En plein milieu d'une discussion hâtive, le camarade Shlomo Popovski, cordonnier de profession et membre du comité bundiste local a surgi en arme. Je lui ai demandé. “Tu es Bundiste ? “Bien sur” m'a t'il répondu. Et suivant mes conseils, les camarades bundistes ont retiré le bandeau de leur bras et ont refusé de faire partie de la milice locale. Les bandeaux des bundistes (qui avaient auparavant incorporé de leur propre volonté la milice locale) étaient empilés sur la table du commandant et firent une forte impression. Et nous sommes tous partis organiser le rassemblement bundiste Mais le rassemblement n'a pu se tenir.

*

Alors que nous étions encore au commissariat de police, il y eut des tirs de mitrailleuse et un survol des avions. Nous nous sommes tous couchés à terre, et ainsi couchés, formant un cercle, tête contre tête j'ai raconté à tous mes camarades, mes péripéties à Otwosk. Dans un coin, Aharon Butches, l'ancien secrétaire de la communauté et à présent de la Tcherezvichayke (Cheka, “Chrezvychaynaya kommissiya”, l'ancêtre du KGB dans les années 20) a claqué des dents et murmuré le “Israë.

Une forte explosion fit trembler les murs. Une bombe est tombée dans la cour de Stachek et lorsque la fusillade a cessé, j'ai assisté dehors à une bousculade effrayante. Au début, je n'ai pas saisi que l'on commençait à se retirer du front.

Dans la ville régnait la confusion. On voyait sans arrêt des fugitifs venant de Minsk, de Stanislove, et d'autres villages. L'agitation était grande, tant de visages inconnus, et de balluchons renversés sur le sol. Je fus pris dans cette agitation et dans un épuisement total et sans réfléchir, j'ai pris mon balluchon et je suis parti sur les routes comme toute la ville.

A un kilomètre de la ville régnait un chaos indescriptible. Hommes et femmes, jeunes et vieux, une enfilade de charrettes, des cavaliers et des carrioles renversées. La route était bloquée. Les cavaliers couraient et les avions tiraient dans la masse. Les chevaux se cabraient et l'on s'éparpillait dans les champs jusqu'à ce que les avions disparaissent et d'autres les remplacent. Cela a duré jusqu'à ce que les routes bifurquent. Une route en direction de Wengrov et l'autre en direction de Brest Litovsk en passant par Siedlce.

La majeure partie des fonctionnaires, commissaires et policiers se dirigeaient vers Byalistok par Wengrov. Une plus petite partie allait à Siedlce. Ni moi, ni les autres ne savions que la route de Brest Litovsk était coupée par l'armée polonaise qui avait fait une percée par Lublin. Désorientés et en état de choc, nous nous sommes orientés vers Mrozi à 6 km de Siedlce. Là-bas, nous nous sommes écroulés et notre camarade Shmuel Leizer Sadowski est parvenu péniblement sur mes épaules à Siedlce au milieu de la nuit.

Sous un feu nourri de mitraillettes, Shmuel Leizer m'a emmené près de la maison de sa sœur, dans une maison en bois à l'extrémité de la ville. A 5 heures du matin, on entendait déjà les razviedkes polonais. Je suis sorti dans la rue, à la rencontre des soldats polonais aux pantalons troués et cheveux ébouriffés. Ils ont regardé mes papiers et m'ont dit que je pouvais librement me rendre à Kałuszyn.

Vers midi, un civil, un bandeau autour du bras s'est approché de moi. C'était un policier juif et les camarades l'avaient envoyé me rechercher et me ramener. Il m'a emmené à l'appartement de Shlomo Zilberman à Siedlce. J'y ai retrouvé Pinhas Krotchitski, Avraham Gluzman, Shlomo Welondik, Meïr Fishel Zorman et Nachman Piasetski (Hendel) Myriam Goldwag (Milgrom) .Les sœurs Helman et ma triste apparence les ont incités à prendre soin de moi et dans cette atmosphère chaleureuse, j'ai pu respirer et revenir à moi.

Il me semble important de mentionner particulièrement l'aide de Pinhas Krotchitski, Le trésorier du “comité américain” qui aidait et protégeait les Kałuszyner qui se trouvaient ces jours ci en ville. Avec les fonds américains, il a loué une grande voiture de chargement qui a pu ramener en ville quelques dizaines de jeunes camarades. Ce même policier juif nous a, moi et Shlomo Welondik, conduits vers un gîte pour la nuit, quelque part dans un grenier. Le bardeau était pourri, la paillasse trouée. Quant à notre repas, il était composé de pommes de terre et du hareng. Il n'y avait pas de pain. Il nous a demandé d'être prudents, de ne pas parler et de ne pas fumer parce que, dans la maison voisine, se trouvait l'état major militaire.

Il était pénible de voir comment Shlomo Welondik le bronchitique, mettait sa main sur la bouche pour ne pas tousser bruyamment. Il tournait son visage vers la paillasse et réprimait sa toux. Nous passâmes la nuit dans le grenier de Shlomo Zilberman. Au matin, au signal, nous avons descendu l'échelle et Myriam Goldwag, notre “princesse des repas” nous a apporté à manger et nous a informés des dernières nouvelles. Les premières nouvelles du Bug. Tous ceux qui étaient partis en traversant Wengrov n'étaient pas arrivés à franchir le Bug sains et saufs. Là bas aussi la route était barrée et plusieurs centaines de Juifs de différentes villes avaient été emprisonnés, et battus à la prison de Siedlce. Un tribunal militaire les attendait tous, qui pouvait les condamner à mort et ils risquaient d'être fusillés dans les 24 heures après le jugement.

Au matin, nous avons vu des affiches effrayantes dans les rues : Israël Mankhemer, Moshé Blomberg et un troisième condamné à mort pour trahison d'état avaient été fusillés. Nous sommes restés paralysés d'effroi et nous avons eu l'impression, dans notre grenier qu'un tel sort attendrait tous les Juifs capturés. (Grâce aux interventions infatigables du député Noah Prilutski, les peines des tribunaux ont pu être adoucies et les cours martiales abolies) .Mon camarade de grenier Shlomo Welondik fut le premier à avoir repris ses esprits. Il dit qu'il ne fallait pas se faire attraper et fusiller par ces gredins sanglants. Il fallait partir au plus vite du grenier. Et s'il fallait mourir, il fallait mourir dans l'honneur, la tête haute comme des hommes libres. Notre discours sur une “mort qui en valait la peine” émut jusqu'aux larmes même le froid Pinhas Krotchitski. La mort fière et courageuse d'Israël Mankhemer (il n'a pas voulu qu'on lui bande les yeux, a déchiré sa chemise en hurlant à l'adresse du peloton : “Tirez” et hurlé des slogans révolutionnaires, nous a imprégnés d'un sentiment de fierté et de dignité. Ils ne montraient pas tous de la fierté. Parmi la masse de personnes arrêtées, la “Défensive” trouvait des âmes faibles qui prenaient part aux délibérés des tribunaux en tant que “faux témoins”. Il y avait également parmi eux des “socialistes” qui avaient bénéficié, en remerciement de leurs témoignages, d'une amélioration de leur conditions en prison et avaient même été libérés.

*

La chronique de cette époque rapporte le massacre de masse de Drogatchin.

Quand tous les fugitifs eurent franchi le Bug et passèrent par la ville pour y chercher repos, les soldats polonais firent leur apparition. Ils rassemblèrent tous les étrangers sur une place et, en criant : “do bougou”, ils se jetèrent sur la masse des gens. 2 rangées de soldats et des non-Juifs se sont déchaînèrent avec des matraques et des crosses de fusils. Les personnes battues s'enfuyaient et il ne leur restait qu'une seule issue, sauter dans la rivière. Beaucoup purent se sauver, mais beaucoup moururent dans la rivière à cause des grenades à main qu'on leur avait lancées. Welvl Kaskelevitch (Ketche) fut blessé par une grenade et se noya. Parmi ceux qui furent sauvés, beaucoup furent emmenés dans la prison de Siedlce. Après les premières fusillades par la cour martiale, les détenus restants furent jugés en suivant les procédures d'un tribunal régulier. David Groushke et Yeshaiah Grodjiski furent jugés et condamnés à plusieurs années de prison. David Yagodjinski resta un long moment en prison.

*

Finalement, nous sommes rentrés, une trentaine de Kałuszyner à Kałuszyn et le même jour, dans l'après midi, nous avons entendu les salves des fusillades (Shlomo Popovski, Shmuel Steinberg, et Pinhas Shwartz de Mrozi).

Nous n'eurent plus de tranquillité. Il régnait en ville une atmosphère oppressante, étouffante faite de délation et de dangers, et toute la vie communautaire était en miettes. Et un par un, nous sommes partis à Varsovie nous chercher un lieu où travailler et trouver une consolation.

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