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Temps et Régimes

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Kałuszyn notre ville

par Shulem Soroka

Traduit par S. Staroswiecki

Kałuszyn était située sur la route de Varsovie - Siedlce menant à Brisk jusqu'à la limite orientale de la Pologne. Tous les jours Kałuszyn était traversée de grands mouvements de transport de et vers Varsovie.

Des agents commerciaux juifs et parfois des commerçants voyageaient ensemble sur des charrettes lourdement chargées et en véhicules. Les jours d'été, ils faisaient halte à Kałuszyn pour “reprendre leur souffle” et les jours d'hiver venaient pour se réchauffer un peu. Ils dormaient également à l'auberge et, soit dit entre nous, ils discutaient aussi affaire dans les “salons de thé” en achetant et en vendant. Le commerce se faisait entre l'Est et l'Ouest avec le “vaste monde”…..

Nos agents commerciaux, transporteurs comme Arieh Ptok, Mordechai Mendel Grodnitsky etc.…fournissaient aux commerçants de Kałuszyn des marchandises en provenance de Varsovie. Les grandes charrettes chargées étaient bien voyantes, pleines à craquer. Tous les dimanches et mercredis, chargées de volailles, de produits laitiers et toutes sortes de marchandises, elles se frayaient leur route vers Varsovie. A cette époque, la ville, principalement l'endroit ou les charrettes étaient concentrées était très animé. Les vendeurs et les vendeuses s'agitaient et faisaient du bruit. Les transporteurs de marchandises, bouchers, charretiers s'interpellaient de longues heures durant, jusqu'à ce que les charrettes s'immobilisent. Le même scénario se répétait le mardi et vendredi. Lorsque les chariots rentraient de Varsovie, tous les commerçants se réunissaient pour voir quelles marchandises avaient été vendues, s'informer des prix et voir ce qu'on leur avait ramené de Varsovie. De ces voyages, de ces informations et d'un peu de chance dépendaient les revenus de chacun.

Ce contact permanent avec la grande ville eut une grande influence sur le développement de Kałuszyn, pas uniquement sur le plan économique, mais également dans les domaines politiques et culturels.

La proximité de Varsovie et ce trafic perpétuel y attiraient la jeunesse de Kałuszyn. Si pour l'ancienne génération, Varsovie constituait le centre des relations commerciales, pour la jeune génération Varsovie était le lieu où chercher du travail, apprendre ou étudier. Ceux qui s'y trouvaient ne serait-ce qu'un court moment étaient happés par le tourbillon d'une vie associative agitée et, de retour à Kałuszyn prenaient l'initiative de fonder des organisations et des institutions à l'instar de la grande ville.

La proximité de Varsovie avait aussi permis un contact étroit entre toutes les organisations sociales de Kałuszyn et leurs institutions centrales à Varsovie.

Les conférenciers et dirigeants y descendaient souvent et Kałuszyn, qui commerçait et travaillait toute la semaine, ne se reposait pas non plus le Shabbat. Toujours des activités sociales et des évènements culturels et la vie associative étaient en mouvement. Et c'est pourquoi le fait d'être une ville à mi-chemin était une bénédiction, et avait introduit l'influence du “vaste monde”, l'élan de la grande ville suscitant l'essor du développement politique et culturel de la jeune génération.

La situation géographique de Kałuszyn sur la route principale de Varsovie, à la frontière orientale fut également facteur de catastrophes pour les Juifs de Kałuszyn.

A chaque guerre, à chaque invasion des armées étrangères, la ville souffrait. Les anciens racontaient encore la traversée de la ville par les soldats de Napoléon en route vers Moscou. Les jours de la première guerre mondiale étaient encore frais dans la mémoire de notre génération. Puis survint la guerre polono-russe et pour finir la guerre d'Hitler. Dès le premier assaut, les armées nazies mirent le feu à la ville.

 

Les localites avoisinantes

Le Kałuszyn juif était délimité comme par une clôture, un cercle fermé de localités non- juives. Tous les villages et domaines appartenaient entièrement aux polonais non-Juifs et la localité de Kałuszyn était comme une” épine dans l'œil” de tous les antisémites de la région. Ils avaient toujours essayé de comploter, se soulever et accroître leur influence en provoquant des rixes et des excès. Car Kałuszyn était un lieu central pour eux. De Tseglov, Dobre, Shenitze, Boisnie, Mrozi et de tous les villages avoisinants les paysans amenaient leurs produits au marché de Kałuszyn et tous les marchands et intermédiaires entretenaient des relations commerciales avec Kałuszyn. Le mardi, jour de marché, les paysans des localités avoisinantes venaient en nombre sur le marché de Kałuszyn et le dimanche, on se rendait à l'église avec femme et enfant. Du fait que tous les villages voisins étaient des nids de 'haine' d'Israël, on se sentait mieux et plus en sécurité chez soi , dans un environnement juif et on évitait de sortir de la ville à l'exception de la jeunesse fébrile, qui allait chaparder des pommes mûres dans le verger de Stach et les abatteurs rituels (Reb Moshé Haïm, Reb Eliezer, Reb Henik et Haïm Neeman) qui allaient quotidiennement exercer leurs métiers d'abattage dans les abattoirs situés dans les “baraques' hors de la ville. De fait, la ville commençait et se terminait aux portes de la ville ou la municipalité s'occupait des taxes de la manière la plus stricte.

Il y avait toujours des litiges avec les gens de passage. Pour cette raison le staroste (haut-fonctionnaire de la Couronne) voulut même supprimer l'impôt municipal.

Evidemment, on comprend aisément le désaccord de la municipalité parce l'impôt avait une grande importance pour les rentrées financières de la ville.

 

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La rue de Varsovie

 

Dans l'enceinte de la ville commençait la “rue de Varsovie”, l'artère principale de Kałuszyn. La rue de Varsovie qui s'étendait tout le long de la ville reliait Kałuszyn au “vaste monde” et tout du long on voyait la force associative et économique de la population juive de Kałuszyn.

C'est cet endroit que traversaient toutes les charrettes chargées et les lourds véhicules de marchandises puis les années suivantes, des véhicules de passagers.

C'est là qu'on apercevait les dignitaires qui venaient faire une inspection et nous signifier de nouveaux édits.

On y voyait également des notables juifs, maîtres et rabbins ainsi que des prédicateurs et commentateurs, différents représentants de toutes sortes de partis et associations - Tout ce qui avait rapport de près ou de loin à la grande ville ou aux contrées lointaines était présent et se montrait.

En temps de paix, différentes formations traversaient la ville pour des entraînements et en temps de guerre, des militaires en arme et des parades, des manifestations et protestations se déroulaient principalement dans la rue principale. Dans les dernières années, les fils téléphoniques de la rue de Varsovie furent ornés de décorations rouges, les drapeaux que les communistes avaient coutume de poser sur les fils et qui irritaient les gens au pouvoir. La “rue de Varsovie” commençait aux 2 stations essences de Moshé Kishelnicki et Yehiel Gelbard qui étaient au service des voyageurs de passage et les camions de marchandises 24h sur 24. De l'autre côté de la rue on entendait taper et retentir dans la forge. C'est là que le forgeron aux larges épaules s'occupait de tous les véhicules et charrettes, de l'axe d'une voiture et d'un fer à un cheval.

Tout en s'occupant des gens de passage, on prenait des nouvelles du “vaste monde”. Les carrioles étaient alignées et le vacarme était énorme, particulièrement les jours de marché.

Les commerçants, et intermédiaires voyageurs et charretiers traitaient leurs affaires jour et nuit. Les salons de thé de Yankel Motsedler étaient souvent ouverts la nuit et dans les dernières années le restaurant de Moshé Kisielnicki également. C'est là que tous les voyageurs de passage se reposaient et passaient le temps.

Les charretiers également faisaient un saut pour “se prendre un remontant” et manger un bout. C'est à ce moment précis que d'adroits voleurs “prenaient soin” des carrioles. Dans ce cas, les cris et emportements n'étaient d'aucun secours et ce n'était qu'avec l'aide d'intermédiaires et de “receleurs” que les marchandises volées étaient restituées.

Le restaurant de Berish Gelbard était très connu de toutes les personnes de passage. Les commerçants et les voyageurs trouvaient repos dans l'hôtel du restaurant de Berish.

Des agents de l'état et toutes sortes de fonctionnaires avaient l'habitude de s'arrêter dans cet hôtel. D'ailleurs, c'est à cet endroit qu'habitait le docteur Shimon Hopenstadt, ce qui donnait de l'importance au restaurant de Berish. Il y avait dans la “rue de Varsovie” de grands entrepôts à bois qui provenait de la grande forêt ainsi que des négociants en bois :

Reb Shmuel Miodovnik, Reb Mendel Kotsker et Hertzke Zimmerman. Pour les enfants du Talmud Torah, les tas de bois des entrepôts se prêtaient à différents jeux. Il y avait également dans la rue les commerces de cuir de Malka Kuperboim, Mendel Shalit, Hava la “vendeuse d'articles en cuir” et Simha Feigenboim. Se trouvaient également des grands magasins coloniaux, tenus par les “Litvaks”, Reb Zalman et son fils Moshé Gelbard, de Yenkel Stern, membre du conseil municipal depuis de longues années et du talmudiste Reb Yankel Lutzker.

Le grand moulin de Reb David Rougè était situé presque à l'extrémité de la ville et à partir de là, les commerces et les boutiques s'étiraient. Dans la rue centrale se trouvaient : le magasin de farine de Reb Pessah Perkal, le magasin de vêtements du sioniste Reb Nathan Otzap, la première usine d'eau gazeuse et le magasin de Reb Zisman Jitelny, le bazar de Reb Yossel Zimmels, le grand magasin d'alcool et de tabac de l'homme d'affaires local Reb Yankel Pienknaviecz , le magasin de bière de Reb Leizer Zilberman, le restaurant de Haïm David Zilberman , les commerces de grains d'Israël Gorfinkiel et d'autres : les magasins de chaussures de Joseph Yovorski, Aharon David Zlotinsky et de nombreux autres petits et grands commerces.

Il ne m 'est pas possible de tous les mentionner. Il n'y avait pas que des commerces dans la “rue de Varsovie”. Il y avait également des usines et des ateliers, des tailleurs, des cordonniers, des tourneurs, des tanneurs, des charpentiers et des fabricants de sangles. Des artisans juifs composés de Hassids et de Juifs du petit peuple. Et au milieu de tout cela on pouvait voir les “enseignes” des pharmacies, docteurs et barbier chirurgiens.

“La rue de Varsovie” était également un centre de vie religieuse juive dans la cité. Juste après “la porte de la ville”, se trouvaient la forge et l'enceinte de la synagogue ou Reb Yossele, le rabbin de Parysow poursuivait l 'héritage de son père rabbi Meïr Shulem, qui dispensait son enseignement au début du vingtième siècle. La 'shulhoyf' , l'enceinte de la synagogue était le domaine des Hassidim de Parysow.

 

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Autour de la synagogue

 

Dans la grande cour de la synagogue se trouvait également la vieille petite maison d'études ou Reb Israël Acher Melamed étudiait avec ses étudiants de la Yeshiva. Là se trouvaient également les oratoires des Hassidim d' Alexandre et de Strykov. C'est là que se trouvaient les Talmud Torah et le shtibl (oratoire, petite pièce pour étudier) des Parysower et Reb Shmuel Kalman dispensait son enseignement aux étudiants de la Yeshiva. Dans le verger de la cour de la synagogue, tous les étudiants trouvaient repos et également de quoi manger.

A l'entrée de la cour de la synagogue, il y avait la maison de la communauté où vivait le rabbin de Kałuszyn : Reb Shmuel Kopel Hacohen Klingsberg. Il émettait des jugements relatifs aux lois et questions religieuses. On y voyait toujours des abatteurs rituels, des juges rabbiniques et dirigeants de la communauté. Dans cette maison, la communauté juive faisait son travail et s'occupait de tous ce qui pouvait préoccuper la ville.

A proximité de la cour de la synagogue, il y avait également trois maisons ou les Hassidim avaient de l'influence.- La maison de Reb Shmuel Miodownik.- qui était une auberge pour les rabbins de Skerniewitz et d 'Otvotzk, et la maison de Reb David Rougè ou s'était rendu un jour le rabbin de Kolibiel. Dans la maison de Reb Mendel Blat se trouvait de Ger ou les étudiants de Yeshiva étudiaient du matin au soir et Reb Yaacov Leib l'aveugle s'occupait des étudiants et mettait à leur disposition un verre de vin et un morceau à manger.

Dans ce périmètre, juste à coté des oratoires Hassidiques, les “modernes”, les hérétiques y avaient aussi leur place. Dans la cour de la synagogue il y avait également depuis un certain temps une cantine pour les ouvriers, pour les sans emplois, qui jouxtait l 'oratoire de Ger – le club des “confréries”.

Dans le même bâtiment que l'oratoire de Ger, se trouvait l'école primaire des enseignants Batalin. Dans le même local que l'école primaire on donnait également des cours du soir aux ouvriers juifs et à la jeunesse grâce à l'association “Les cours du soir”.

Non loin de là, dans la maison de Berl Itshe Fuks, se trouvait la maison de la culture des mouvements “Halutz” et de l'Hachomer Hatsaïr”. C'est ainsi que vivaient dans un mouchoir de poche toutes les institutions religieuses et laïques dès que l'on arrivait en ville, par l'entrée occidentale de la “rue de Varsovie”.

Du coté est, vers l'extrémité de la rue, en direction de Siedlce se trouvaient toutes les institutions municipales et officielles. Cette partie était plus peuplée de non-Juifs. C est là bas qu'était situé l'hôtel de ville.

C'est là que s'affairaient les conseillers et les conseillers municipaux. La partie juive intervenait dans les affaires juives, les décrets et les impôts. Bien que la majorité de la ville ait été juive, tous les employés municipaux étaient chrétiens.

A coté de la salle de conseil municipal, se trouvait la centrale électrique construite dans les années vingt par un entrepreneur juif et qui tirait ses revenus des Juifs. Et pourtant, seul un Juif figurait parmi ses employés - Itshe Kramarsh. Et ce poste n'avait pu être obtenu qu'après une longue lutte au conseil municipal.

C 'est là bas que se trouvaient également la majorité des écoles primaires ou les enfants juifs étudiaient ensemble avec les chrétiens. Les années suivantes, on donna également des cours du soir dans les écoles primaires.

L 'intelligentsia et les cercles du pouvoir vivaient dans cette zone, jusqu'au bout de la rue de Varsovie. Y vivaient les docteurs et le pharmacien polonais, qui était également le chef des pompiers. Juste à proximité se trouvait la salle de spectacles et le point de ralliement des pompiers ainsi que le “poste” de police, le tribunal et la maison d arrêt. Le cinéma local, tous les employés et bâtisses importantes cernaient le “marché aux chevaux” dans la grande église ou les Juifs de Kałuszyn subiront leurs premières tortures à l'entrée des troupes nazies.

 

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Le vieux marche

 

Deux marchés- Le “vieux marché” et le “marché aux chevaux”

Le “vieux marché” était le véritable centre du commerce de Kałuszyn. C'est là que des générations durant, les Juifs ont mené leur lutte quotidienne pour leur survie et leur subsistance. Les vieilles cabanes du marché, au bord de l'écroulement furent pendant des années témoins de leur tracas. Au centre du marché se dressait la grande lampe à pétrole. On l'allumait tous les soirs et de sa lueur blafarde, elle éclairait toutes les pierres pavées dont le marché en pente était pourvu. La jeunesse aimait dévaler cette pente dans des petits charriots à quatre roues et en hiver sur des traîneaux et skis. Un seau en bois était suspendu par une chaîne au vieux puits. Plus récemment, le puits fut remplacé par une “pompe”.

Toutes ces indications témoignaient de l'ancienneté du “vieux marché”. Le marché était entouré de maisons à un ou deux étages, dans lesquelles il y avait des commerces de toutes sortes. Au fil du temps, le marché s'agrandit et se prolongea jusqu'au “Nouveau marché”, presque jusqu'au puits de Lublin.

Il y avait également dans un coin du marché des boucheries. C'était le royaume des bouchers. Les boucheries étaient construites en forme de triangles. Des stands et toutes sortes de marchands de légumes et de fruits y avaient leur emplacement permanent et les paysans également y venaient avec leurs charrettes à des emplacements fixes “leur emplacement”.

Les commerces étaient très divers. Commerce de gros ou de détail, petits et grands commerces, Juifs aux bons revenus assurés et Juifs dans la détresse permanente : commerces ou l'on se pressait et commerces ou l'on guettait le client.

Habituellement, le marché semblait calme et paisible. Mais le marché prenait une toute autre apparence le mardi, jour de marché. La place d'honneur revenait aux produits de confection, quincaillerie, chaussures, les articles fantaisie et produits coloniaux. Les grandes enseignes au-dessus de ces commerces attiraient les acheteurs et la bousculade aux portes prouvaient que le commerce marchait bien.

Pour la quincaillerie, une place d'honneur revenait à Reb Itshe Meïr Perkal, le Hassid de Ger, un grand érudit et homme pieux, un Juif auprès de qui les “bonnes têtes” de la ville venaient se faire interroger. L'homme était d'une grande spiritualité, et de fait, le commerce était géré par ses enfants, sa fille et sa pétulante épouse Sarah et ses enfants, Mendel, Simha et Mordechai.

Là bas, les paysans y achetaient des clous aussi bien que des charrues. En plus de la quincaillerie, on pouvait voir dans le commerce les papiers peints fleuris et magnifiques, les décorations attiraient les clients sans interruption - les non-Juifs à la veille des fêtes chrétiennes. A la veille des fêtes, toutes les rues avoisinantes étaient pleines de carrioles de paysans et dans les commerces régnait une grande agitation et un grand nombre d'entre eux essayaient d'acheter sans avoir l'ombre d'un kopek ….

Le gendre de Reb Itshe Meïr Perkal, Reb Abraham Potashnik (à présent en Israël) dirigeait également une grande quincaillerie. Quant à Feivel Krakovski et Reb Noah le juge rabbinique, ils s'occupaient de quincailleries de taille moyenne. Reb Dayan était plus un érudit qu'un commerçant, s'y connaissant plus dans la Halakha. N'étant pas expert dans la langue des non-Juifs, sa femme et son fils géraient le commerce. Les magasins de confection occupaient une place importante : Les plus remarquables étaient : le commerce de Moshé Tchernitski, le Hassid de Sokolov et homme d'affaires de la ville de longue date. De nombreux Juifs et non-Juifs venaient les jours de marché. L'énergique Hayele, la fille de Reb Kalman Haïm Meïr gérait ce commerce. On prenait conseil auprès d'elle pour se constituer un trousseau pour une fille en âge de se marier et vêtir le marié, un pauvre étudiant de Yeshiva qui allait devenir le gendre.

Le second commerce de confection était celui de Reb Kalman Haïm Meïr, le Hassid de Skernitsev, un homme très pieux qui imposait à tous le respect. On le trouvait toujours à la caisse, un livre à la main. Il laissait également la gestion du commerce à ses enfants et s'occupait plutôt d'objets du culte et “interrogeait” les bons élèves de la Yeshiva. Il y avait également, parmi les grands fabricants de tissu Mendel Piekarski, Leizer Ephraïm, David le Hassid d'Alexandre, Noémie Teilblum, Yenkel Kalusziner, Herschel Feldman, Shlomo Leib Felner, Meïr Kotlarski, Shmuel Meïr Lipshitz. Il y avait également des fabriques de confection de taille plus petite qui avaient moins de revenus, il y avait la veuve Shikerke, Nene, Itshe Mrozer etc… Quant aux magasins d'articles de mode, y allaient Abraham Feigenboim et Shaoulke Kramarsh (les deux étaient des hommes d'affaires locaux, des conseillers municipaux de la commune), Haïm Torbiner, l'homme d'affaires du Mizrahi, Mendel Shalit, le Hassid d'Otvotsk. C'est là qu'on achetait toutes sortes d'objets de parure, d'élégance et de “nouveautés” à la mode.

Il y avait une grande agitation autour du magasin de chaussures de Shlomo David Yakubovits, Pessah Manchemer, Noah Lewin. Les acheteurs passaient de commerces en commerces “pour survoler” tous les rayons jusqu'à ce qu'ils ne trouvent pas ce qu'ils été venus chercher.

L'important magasin colonial appartenait à Reb Abraham Gordon le Hassid de Strikover : du paquet de farine à la boite d'allumettes, on trouvait tout chez lui. Les magasins coloniaux de Rachel Moshé Cohen étaient également réputés ainsi que ceux d'Israël Abraham Dimentman.

Parmi tous les commerces mentionnés, il y avait également de nombreux commerces et boutiques de prêt à porter, de chapeliers, de farine, de sacs vides, de cuir, de bois, d'articles d'écriture, de pain, de gâteaux, de sucreries et tout ce dont on pouvait avoir besoin.

Les marchands « volants »qui n'avaient pu obtenir une place fixe, occupaient une place spéciale au marché. Ils exposaient leurs marchandises sur des tréteaux le long du légumes, fruits, poissons et autres victuailles.

La veille, ils réunissaient leurs marchandises, les disposaient pendant la nuit dans des échoppes et à l'aube ils les exposaient à nouveau dans l'attente de leur rachat. Les chaudes nuits d'été, ces mêmes “volants” dissertaient au soleil et en hiver, ils essayaient de se réchauffer avec un brasero et ne se faisaient jamais de gros revenus.

Les ennuis ne manquaient pas à cause de toutes sortes de chapardeurs, qui volaient à l'étalage et égaraient intentionnellement leurs chèvres afin qu'elles fassent ce que bon leur semble. En cherchant à s'accaparer les places “stratégiques” pour leurs étals et échoppes les jours de marché, des incidents survenaient fréquemment parmi tous ceux qui avaient exposé leurs marchandises sur le marché, car chacun prétendait que la place lui appartenait.

Il y avait toutes sortes “d'exposants”. On exposait des articles de mercerie, des articles de mode, des fripes de tailleurs et de cordonniers, des chapeaux, pâtisseries et boissons des meubles et bien d'autres articles encore.

A un certain endroit, près du commerce de confection de Reb Kalmen Haim Meïr se concentraient les commerçants chrétiens avec leurs marchandises, du poisson fumé, des images saintes entre autres choses et à coté d'eux des vendeurs d'ustensiles en terre et d'autres ustensiles ménagers.

A tous ceux là s'ajoutaient des paysans de la région alentour avec un sac de concombres, un boisseau de pommes de terre, de beurre de fromage et d'œufs.

La zone du marché restait agitée et bruyante jusqu'au coucher du soleil ainsi que les rues et ruelles alentour. Ce n'est qu'au crépuscule, quand les paysans avaient vendu leurs marchandises et fait leurs emplettes que les voitures se mettaient en branle, on commençait à remballer les marchandises et petit à petit le marché se vidait.

On entendait parfois des cris et des jurons qui témoignaient d'une mauvaise journée…

Le mercredi après jour de marché était jour de repos, Le marché avait un autre aspect, mais dès le jeudi, les poissonniers et poissonnières se préparaient à la vente du poisson pour Shabbat. On entendait la voix retentissante de Myriam Dvorah la poissonnière, qui non seulement vendait du poisson, mais rendait honneur aux acheteurs avec un “Monseigneur”, que l'on palpe le poisson ou que l'on lui “casse la tête”.

Les vendeurs volants étalaient également pour Shabbat des légumes frais et on marchandait à l'étal des bouchers, on recherchait de bons morceaux pour Shabbat.

Entre les bouchers, dans la grande agitation et confusion des acheteuses, Reb Haïm le fidèle déambulait à pas mesurés et faisait attention à la cacherout.

Tous les vendredis, la veille de Shabbat, on pouvait voir sur le marché les juives pressées et hors d'haleine, qui, les pauvres, avaient oublié d'acheter quelque chose pour Shabbat et arrivaient à la dernière minute. Quand les vendeurs avaient déjà remballé leurs stands et se préparaient à faire Shabbat. Il y avait également des “personnes à la recherche de bonnes affaires” qui exposaient jusqu'à la dernière minute pour vendre meilleur marché. Le marché qui était en pleine effervescence toute la semaine prenait à l'arrivée du Shabbat une autre forme. Reb Zalman allumait la lampe à pétrole plus tôt que d'habitude. Les Juifs se rendaient directement aux synagogues, maisons et shtiblekh (oratoires, petites pièces d'étude) en coupant le marché.

Le Shabbat, le marché était vide et seuls les enfants jouaient à cache-cache et à d'autres jeux. Cela s'est passé de cette façon des années durant sur le “vieux marché”.

Il y avait à Kałuszyn un autre marché. “Un marché aux chevaux”.

Là bas on négociait des chevaux et du bétail. C'était un marché non-Juif qui se tenait un vendredi sur deux. Beaucoup de Juifs pratiquaient également ce commerce, achetaient des bons chevaux et “vendaient” des “vieilles rosses”. Les conseillers municipaux chrétiens faisaient beaucoup d'efforts pour transférer le marché du “vieux marché” de la partie juive de la ville au marché aux chevaux près de l'hôtel de ville ou vivait la population chrétienne. Mais grâce à la résistance des conseillers juifs, le plan antisémite n'a pas pu voir le jour, ce qui aurait mis en danger le gagne-pain des Juifs. Le caractère juif de Kałuszyn donnait aux Juifs locaux un sentiment de sécurité, celui d'une ville juive entre des villages chrétiens.

Avec courage, les Juifs de Kałuszyn ont mené un combat contre les différents décrets et les manifestations antisémites de l'époque tsariste et jusqu'au gouvernement polonais de Sonatsie. La communauté juive de Kałuszyn et particulièrement les ouvriers et les mouvements de jeunesse savaient comment s'opposer à tous les dangers et embuscades des bandes mafieuses.

La communauté juive répondait également par la force quand cela était nécessaire.

Dans ces moments, toute cette communauté hétérogène s'unisssait pour ne plus faire qu'une.

Une communauté religieuse et Hassidique, les simples couches populaires “des gens du peuple”', tout ensemble avec un fort groupe d'ouvriers combattants.

Tous les groupes étaient présents, Hassidim comme mas kilim, partis ouvriers, mouvements sionistes et halutsiques, dans un souci quotidien de survie juive. Tous s'en mêlaient et se disputaient et toutes ses couches et parties préservaient une nature, le caractère juif de Kałuszyn.

Le “vieux marché” est resté le centre du commerce juif et pas seulement pour cette raison. Tous les meetings de masse s'y sont tenus ainsi que les manifestations ouvrières, les réunions électorales. Les vieilles bicoques délabrées du marché étaient témoins d'une nouvelle époque, de la croissance d'un prolétariat, de protestations et de combats.

Tout a brûlé sur le marché à l'arrivée des troupes nazies. Seules les grosses pierres de la pente pavée sont restées. C 'est sur elles qu'on a concentré la communauté juive de la ville pour les déporter à Treblinka. Et leur sang s'est répandu sur ces pierres.

 

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Dans l’enceinte de la synagogue

 

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