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Par Sara Obfire
Dès nos plus jeunes années, nous étions actifs dans l'organisation Poale Tsion à Minsk. Mon mari, Yisokher-Ber Obfire, a fait son aliyah en avril 1933. Je l'ai rejoint un peu plus tard, le 21 octobre 1935. À peu près à la même époque, d'autres membres de notre groupe ont également immigré : Feyge Zlotolov, Shimen Rubinstein, Tsherne Miodowski, Binem Rotshteyn, Feyge Kivayko et Noakh Kraytman. Khayim Grinboym, était arrivé plus tôt, en 1925. À cette époque, Gershn Miodovski vivait déjà à Kfar Saba, et Shmuel Zilbersteyn l'y a rejoint par la suite. C'était déjà un groupe relativement important. Ce qui nous unissait, c'est que nous avions tous immigré à la même période et que nous étions déjà amis depuis Minsk.
Sans exagération, on peut dire que nous nous sentions comme une famille. Ce qui nous rassemblait, au-delà de l'aliyah et de notre désir de construire une vie dans un pays juif, c'étaient surtout les nouvelles préoccupantes que nous recevions régulièrement de notre shtetl : d'abord l'assassinat de Yisroylke Tsilikh, puis le pogrom. Presque chaque Shabbat, nous avions l'habitude de nous retrouver soit chez moi, au 42 rue Sheynkin, soit chez Shimen Rubinstein, sur le toit du 23 rue Nakhmani. À chaque fois qu'un nouvel immigrant arrivait qu'il soit venu légalement avec des papiers ou bien de manière illégale comme ce fut le cas, par exemple de Ayzshe Geldman , Yisroel Gutgold, Tobe Glikman et d'autres, il se joignait à nous.
Nous rencontrions aussi, de temps à autre, la famille Bibliarzsh. Presque toute la famille était arrivée dans le pays avec leur grand-père, le vieux Leyb, qui est décédé peu après son arrivée. Quelque chose nous unissait tous, même si nous n'étions pas encore organisés en association officielle, avec cachet et règlement.
Et puis, la guerre a éclaté, et tout contact avec notre pays natal a été brutalement rompu. Même les rares lettres qui avaient réussi à nous parvenir au début du conflit ne nous apprenaient pas grand-chose. Cependant, ce qui était clair pour nous : nos familles et nos amis étaient en grand danger.
Jusqu'au jour où Pinkhes Bibliarzh est venu nous voir. Il était soldat dans la brigade juive et avait combattu sur le front italien. Là-bas, il avait rencontré Rivke Grinshpan, qui avait survécu à la guerre contre l'Allemagne. Elle avait été la première à réussir à fuir la Pologne. Elle lui avait raconté ce qu'il était advenu de la ville et des Juifs pendant la guerre, et lui avait transmis les premiers détails sur les survivants. Je me souviens comment nous étions tous assis, à l'écouter tout cela sonnait comme un message venu d'un autre monde. Instinctivement, nous avons tous senti qu'il fallait faire quelque chose : aider les gens là-bas, ou simplement les faire venir en Erets-Yisroel. Nous ne savions ni comment, ni quoi faire. Spontanément, un fonds a été constitué, pour envoyer au moins des colis de secours à Łódź.
Bientôt, nous avons commencé à recevoir les premières lettres de Rochman de Łódź. Grâce à ses lettres, nous en avons appris davantage, reçu des salutations de l'un ou de l'autre, des nouvelles de ceux qui s'étaient cachés, de ceux qui étaient revenus des camps, avaient été rapatriés ou étaient revenus de l'armée en Russie.
Un peu plus tôt, quelques Minskers étaient également arrivés avec l'armée Anders : Pinkhes Korman, Popovski, Goldberg, Mordke Veisbrot, etc. Ils avaient notre adresse. Nous les avons rencontrés et leur avons apporté notre aide, dans la mesure de nos moyens.
Les premières personnes arrivées dans le pays après la guerre, dès 1946, ont été Bashke Abramovski et Miriam (Male) Furmanski. Bashke était venue avec son mari et a donné naissance à son enfant ici. Nous l'avons aidée à organiser la brit milah c'était la première circoncision d'un petit-fils de Minsker après la guerre. Miriam, quant à elle, a épousé Aharon Karmi, avec qui elle avait immigré, et nous avons tous été les principaux invités d'honneur à ce premier mariage de Minsker en Erets-Yisroel.
Oui, même si ce n'était pas encore officiel, l'association de Minsk-Mazowiecki et des environs existait déjà de facto à cette époque.
En 1949, de nouveaux Minskers ont continué à immigrer, et nous avons décidé de créer une caisse de gemilut khasadim (caisse de bienfaisance) du nom des martyrs de Minsk. Un jour, nous nous sommes rassemblés, et sur place, chacun a donné dix livres. C'est ainsi qu'a été constituée la première somme. Parmi les fondateurs de cette caisse figuraient: Sara Obfire, Avrom Feldman, Binem Rotshteyn, Sara Dembus (Zl), Noakh Kraytman (Zl), Khayim Grinboym, Ayzshe Geldman, Zeyev Bibliarzh, Moyshe Ruzshanski et Shmuel Zilbersteyn. Plus tard, d'autres ont eux aussi contribué pour des montants similaires. Cela nous a permis de commencer à accorder des prêts à presque tous les nouveaux arrivants.
Mais ce qui comptait encore davantage, c'était l'adresse que tout le monde connaissait : au 42 rue Sheynkin, tout Minsker nouvellement arrivé en Erets-Yisroel s'y rendait que ce soit pour chercher des proches ou des amis, ou pour trouver un logement ou du travail. Bien souvent, nous n'attendions même pas qu'ils viennent à nous : nous partions nous-mêmes à leur recherche.
En 1954, je me suis rendu à Paris pour rendre visite à mon cousin Yekhezkl Mitsner. Plusieurs Minskers s'étaient rassemblés, et nous avons organisé une rencontre au sein de notre landsmanshaft. Je leur ai fait un compte-rendu, et surtout, je leur ai parlé de notre caisse de solidarité. Brones, avec son sens aigu des questions sociales, s'est montré particulièrement intéressé. Lui et les autres membres du comité m'ont demandé : Combien y a-t-il déjà dans votre caisse ? Mille livres, ai-je répondu. Dans ce cas, nous vous donnerons mille de plus !
La société a tenu parole, et l'argent a été envoyé par la suite en trois versements.
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plantant un bosquet du souvenir Yizkor-veltle dans la Forêt des Martyrs (Ya'ar HaKdoshim), du Keren Kayemet le-Israël (Fonds National Juif : KKL-JNF). |
C'est ainsi que le capital s'est accru, et au fil des années, notre caisse a rempli une tâche essentielle : distribuer des prêts sans intérêts. Nous n'avons jamais refusé personne qui s'est adressé à nous. Mais tout au long, nous ressentions le besoin impérieux de perpétuer la mémoire de nos martyrs. Nous avons été parmi les premiers à ériger une plaque commémorative à la mémoire de notre communauté dans le « Caveau de l'Holocauste » sur le Mont Zion. Depuis lors, chaque année, au matin qui suit la cérémonie commémorative annuelle à Tel-Aviv qu'elle se tienne au centre sioniste américain ou au sein de l'association des Juifs polonais nous nous rendons à Jérusalem. Là, nous montons au Mont Zion, prions Min'ha, et récitons le Kaddish en communauté devant cette plaque commémorative notre unique pierre tombale pour nos proches disparus.
Quand Yekhiyel Kirshnboym est arrivé en Israël après la guerre des Six Jours, il avait ramené avec lui un rouleau de Torah sauvé de Pologne. Nous avons confié ce rouleau à la synagogue Tiferet, et sur son manteau figure une inscription : cette Torah est dédiée à la mémoire des martyrs de Minsk.
Un chapitre à part dans l'activité de notre organisation a été l'accueil de nos compatriotes venus du monde entier en visite en Israël. Nous avons aussi encouragé, et participé collectivement, à la plantation d'un bosquet dédié aux martyrs de Minsk-Mazowiecki dans la « Forêt des Martyrs » (Ya'ar HaKdoshim), dans les montagnes de Jérusalem, financée par le Landsmanshaft parisien.
Nous avons également pris part à la plantation organisée par l'association nationale de Paris. De nombreux Minskers vivant en Israël ont assisté aux deux cérémonies, venus en bus spécialement affrété pour l'occasion. Nous avons aussi participé à la cérémonie de remise d'une ambulance offerte par la Société nationale de Paris au Maguen David Adom en Israël.
Notre travail a toujours pu se développer grâce à l'engagement total de certaines personnes. Ce fut d'abord Velvel Bibliarzh, pendant une courte période, puis, pour bien plus longtemps, Khayim Grinboym. Il dirigeait le secrétariat et détenait des informations détaillées sur chaque Minsker. Lorsque Grinboym est tombé malade, Mordke Veisbrot a pris la relève à la fois comme secrétaire et président. Il siégeait auparavant, depuis de nombreuses années, à la commission de contrôle. Parmi ceux qui furent particulièrement actifs à ses côtés : Khayim Shapirshtayn, Geldman, Gutgold, Yankel Radzinski, Malkele Kirshnboym, et d'autres encore. Veisbrot a également été le moteur du projet d'édition d'un Livre du souvenir (Yizker-bukh) un projet dont on parlait depuis des années, mais qui n'avait jamais vraiment avancé. Il en fit la priorité de son mandat en tant que président de l'organisation. Il mobilisa tous les Minskers, en Israël comme à l'étranger, qui pouvaient contribuer de quelque manière que ce soit à cette œuvre. Sous sa direction, les premiers fonds destinés à l'édition du livre ont été rassemblés, et la collecte de documents put débuter. C'est également lui qui eut l'initiative de liquider la caisse de bienfaisance (gemilut khasadim) qui, depuis quelque temps, n'avait plus le rôle central qu'elle avait joué dans les premières années d'après-guerre afin de constituer un fonds concret pour soutenir la publication du Livre du souvenir.
En réalité, le travail concret n'a véritablement commencé qu'en 1973. Veisbrot ne ménageait pas ses efforts et rencontrait l'éditeur toutes les quelques semaines. Il voulait hâter la publication du livre, d'autant plus qu'il était tombé malade entre-temps. Il pressentait sans le dire clairement ce qui allait lui arriver ce que les Sages appellent « il a prophétisé sans savoir ce qu'il prophétisait » (niba velo yada ma niba). Peu après, il s'est soudainement effondré, en plein milieu de ses activités. Sa mort soudaine a provoqué un arrêt temporaire du projet, car entre-temps les prix avaient augmenté, et les réserves ne suffisaient plus à couvrir les coûts de publication d'un tel ouvrage.
Le conseil d'administration de notre organisation n'avait pourtant pas renoncé à l'espoir de mener ce projet à bien. Après une interruption de plusieurs mois, le comité s'est réuni à nouveau et a mobilisé de nouvelles énergies. Ce fut presque une réunion historique, qui s'est tenue dans notre local en décembre 1976. Au cours de cette séance, un comité spécial fut désigné, chargé de rassembler les fonds nécessaires, ainsi qu'un comité éditorial pour assister le rédacteur.
Yekhiyel Kirshnboym est devenu le président du comité. C'est grâce à son énergie et à son dévouement que nous avons pu enfin concrétiser notre aspiration de longue date. Je voudrais mentionner quelques Minskers qui ont été particulièrement actifs dans la publication de ce livre : Moyshe Bornshtejn, Moyshe Geldman, Avrom Feldman, Yankev Koyfman, Yisroel Gutgold etc.
Par ce travail d'immortalisation des communautés juives de Pologne, un livre du souvenir sur notre propre communauté détruite ne devra pas manquer. Dans cet ouvrage, nous voyons le témoignage des activités de l'Organisation des originaires de Minsk et de sa région en Israël.
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fils du shoykhet (abatteur rituel) Yankev Hirsh |
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Updated 25 Jun 2025 by JH