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par Leybl Grinberg
L'origine de la société de Minsk-Mazowiecki est étroitement liée à l'histoire de l'émigration de Minsk, et à l'aide généreuse qu'elle a apportée à ceux qui ont émigré à Paris.
Déjà dans les années 1920, un petit groupe de Minskers vivait à Paris. Ils restaient en contact, se rendaient visite de temps en temps, mais n'étaient pas encore organisés en société. Parmi ces émigrés minskers se trouvait un homme qui avait fui l'antisémitisme du mouvement nationaliste Endek[1], à cause de son engagement actif en politique. Il s'était installé à Paris avec sa fidèle compagne de vie, Matele. Il s'agissait du dynamique Itshé Brones.
La fondation de la société s'est faite de manière originale. En 1927, une grande manifestation a eu lieu à Paris pour tenter de sauver Sacco et Vanzetti, deux dirigeants syndicalistes condamnés à la chaise électrique aux États-Unis. Brones a organisé un groupe de Minskers afin d'y participer. C'est au cours de cette manifestation que l'idée de créer une société de solidarité entre les Minskers a été soulevée. C'est ainsi qu'est née, la même année, l'organisation nommée « Les Amis de Minsk-Mazowiecki et des environs ».
Les cofondateurs de cette société étaient : Itshé Brones, Max Oshliak, Shternfeld, A. Finkelshteyn, Kotski, Hokhberg, Yosel Stavkovski, A. Rozen, Kozshukh, A. Rozenberg et Pinye Akerman. à l'époque, l'association comptait environ 20 à 25 membres. Son premier président a été A. Rozen avec Brones comme secrétaire. Ce premier comité fondateur était dynamique et actif, et en peu de temps, le nombre de membres a atteint 85.
La société des Minskers était l'une des plus actives. Parmi ses nombreuses actions, elle versait jusqu'à 50 % de l'ancien salaire aux membres au chômage, à la manière d'une mutuelle professionnelle. Elle soutenait également les Minskers en transit vers d'autres pays.
Une caisse de secours fonctionnait au sein de l'association, permettant d'accorder des prêts importants pour louer des logements et pour s'installer.
Après le pogrom de Minsk-Mazowiecki en 1936, la société a envoyé 40 000 francs (une somme considérable À l'époque) pour venir en aide aux victimes. Pour 132 hommes, femmes et enfants réfugiés À Paris, l'association a fait preuve d'une grande dévotion pas seulement en paroles, mais par des actions concrètes : légalisation de leur séjour, obtention de papiers, soutien financier, et création d'un environnement chaleureux et communautaire, essentiel dans ces conditions critiques.
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Photographie prise le 12 novembre 1972, lors du banquet du 90e anniversaire de Yoel Rubinstein Assis de droite à gauche: Madame K. Iagodovitsh, I. Margoulis, Miriam Aksnhendler, le président Guberek, I. Rubinshteyn (Zl)[2], I. Grinhoyz, E. Erlikh. Debout de droite à gauche: Leybl Grinberg, D. Blashman, Zh. Gotlib, M. Oshliak (Z''l), Irke Trojna-Liptshinski (Z''l), Eli Rotsztejn, Mm R. Stanislavoski, E. Valmer, B. Kshonshlovski. |
La société a compté parmi les premières à s'engager dans la campagne pour l'unification de la communauté juive de Paris, ce qui a conduit à la création du Farband (Union des Sociétés Juives en France), avec l'ami Brones en tant que secrétaire général. Grâce à cette union, la société de Minsk-Mazowiecki, en collaboration avec le Farband, a organisé une grande manifestation de protestation contre les pogroms en Pologne.
Sous la direction de l'ami Oshliak, elle a aussi participé à la fondation d'une cantine populaire en 1939 pour venir en aide aux réfugiés juifs démunis de Pologne. Ces derniers y recevaient des repas et retrouvaient un cadre familial et réconfortant. La société envoyait aussi les enfants de ses membres en colonies de vacances d'été.
Elle a également facilité le retour, dans de meilleures conditions, des réfugiés du pogrom de Minsk n'ayant pu rester en France leur fournissant des billets de train ainsi que de la nourriture pour le voyage.
La société a participé à plusieurs actions en faveur des enfants juifs de Pologne. En 1933, lors de l'arrivée au pouvoir d'Hitler et de l'expulsion des premiers groupes de Juifs d'Allemagne, à Zbąszyń[3] (en Pologne), une importante délégation est partie de France pour leur venir en aide, avec notamment des représentants de la société de Minsk-Mazowieckie.
Sur le plan culturel, grâce aux efforts des amis Yankel Tsimerman (Zimerman) et Itshé Brones la société a organisé des collectes au profit de l'Institut YIVO. Elle a aussi vendu ses livres, organisé des conférences, des divertissements et des bals. Le premier bal en 1928 a été un évènement marquant pour le Paris juif, générant des fonds importants pour la caisse qui ont été redistribués aux Minskers dans le besoin.
Pendant la guerre (1939-1945), aucune activité n'a été menée. Toutefois, les compatriotes restés à Paris ont gardé contact avec les soldats Minskers mobilisés sur le front, leur apportant un soutien.
Sous l'occupation nazie, plus de 3 000 Minskers ont été déportés vers les camps de la mort. Seuls 28 hommes et femmes sont revenus, physiquement et moralement brisés.
Après-guerre, les minskers rescapés se sont de nouveau réorganisés. La reconstitution de la société a été très difficile. La caisse de secours a été partiellement restaurée. Pendant la période de sa renaissance 185 000 francs ont été empruntés et 300 000 francs versés sous forme d'aides des montants considérables à l'époque, surtout provenant de fonds propres.
Après l'horrible holocauste, 36 enfants devenus orphelins leurs parents minskers ayant péri dans les camps ont été identifiés. La société les a pris en charge, matériellement et moralement.
La société de Minsk-Mazowiecki a érigé un monument imposant au cimetière juif de Paris, à la mémoire des martyrs de Minsk-Mazowiecki et de ceux qui ont été assassinés dans les camps de concentration nazis. Deux martyrs sont enterrés sous le mémorial : Yankel Minski, qui a été fusillé comme otage par les nazis dans le camp de concentration de Drancy - à côté de Paris, et Abraham Tshebutski[4], condamné à mort et exécuté à la prison de la Santé pour ses activités de résistance.
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La société a publié et diffusé le livre de notre compatriote Leybl Rochman « Par ton sang tu vivras ».
Aujourd'hui encore, la société mène une activité culturelle vivante. Elle compte plus de 85 membres et organise régulièrement des rencontres, événements culturels, et un bal annuel.
Un document historique précieux est conservé par l'association : le Livre d'Or, réalisé autrefois par l'ancien président Itshé Brones un véritable ouvrage d'art réalisé par un artiste peintre, dans lequel sont consignées les dates marquantes pour les minskers : mariages, naissances, etc.
La société a également fait planter 2 000 arbres dans la forêt des martyrs[5] (Ya'ar HaKdoshim), en Israël, et une rue a été nommée en mémoire des Minskers morts pendant la guerre.
Enfin, elle a fait ériger un monument sur la fosse commune au cimetière de Minsk-Mazowiecki, clôturé les lieux, investi des fonds importants, et envoyé une délégation à l'inauguration du monument.
Un moment important reste célébré chaque année avec recueillement : une soirée Yizkor (commémorative) dédiée aux martyrs de Minsk-Mazowiecki et des villages environnants. Elle a lieu autour du 5 juin, jour où, en 1943, les nazis ont assassinés les 80 derniers Juifs dans la cour de l'usine Rudzki.
Notes de bas de page du traducteur
Il y a une dizaine d'années, un groupe de Juifs de Minsk-Mazowieckie a fondé une nouvelle société à Paris, après avoir quitté la société principale pour diverses raisons. Cette nouvelle société, fondée par Eyznfish, Shenkinski, madame Drakh-Pietshinski, Platkevitsh-Zilberberg, Shenitsky, Bornshteyn et Yankel Tsimerman concentrait principalement ses activités sur le soutien à l'État d'Israël.
Plusieurs collectes ont été organisées pour soutenir différentes initiatives en faveur de l'État d'Israël.
Grâce au soutien de la société, une ambulance a notamment été envoyée au Maguen David Adom peu après la guerre. Pour l'occasion, une délégation spéciale s'est rendue depuis Paris à Tel-Aviv, où de nombreux Juifs originaires de Minsk ont participé à la cérémonie.
Une seconde initiative a été de planter un petit bois nommé en l'honneur des Juifs de Minsk sur le mont Guilboa, sur un terrain des forêts du Keren Kayemet. Les Juifs de Minsk vivant en Israël se sont rendus en nombre sur le lieu des plantations, à bord d'un autobus affrété spécialement pour l'occasion.
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par Leybl Grinberg (Paris)
Avrom Itshé Brones est né le 9 avril. Son père était peintre en bâtiment. Les enfants ont reçu une éducation laïque. Itshé, l'aîné, faisait de bonnes études et étudiait à l'université de Varsovie. Il a hérité de l'esprit révolutionnaire de son père, lui-même affilié au mouvement révolutionnaire de 1905.
Entre 1917-1918, Ignats (ainsi qu'il se faisait appeler à cette époque) fréquentait déjà les cercles du S.D.K.P.I.L., qui deviendra plus tard le K.P.P[1].
Bon organisateur et orateur, il menait un travail intense pour organiser les ouvriers polonais de l'usine métallurgique Rudzki. Un jour, près du bâtiment de l'administration municipale, situé alors à l'angle des rues Mostowa et Kolejowa (Kolye), Brones s'adressait depuis un balcon à plusieurs centaines d'ouvriers rassemblés. Lorsque la police est venue pour l'arrêter, il a sauté du balcon. La police l'a traqué sans relâche jusqu'à ce qu'il parvienne à fuir. Peu de temps après, il s'est installé à Paris.
Dès son arrivée, Brones s'est associé au mouvement progressiste français. Il a également participé au célèbre congrès historique du Parti socialiste[2] à Tours, en décembre 1920.
Il a fondé la Société des Descendants de Minsk-Mazowiecki et en a été le secrétaire général pendant de nombreuses années. Il a aussi contribué activement à la création du Farband - fédération des associations juives de France.
Dans les années 1930, alors que de nombreux Juifs expulsés d'Allemagne se sont retrouvés à Zbąszyń[3], Brones faisait partie de la grande délégation de la communauté juive parisienne venue leur porter assistance face aux persécutions nazies. Il a aussi beaucoup aidé les immigrés venus de Minsk-Mazowiecki après le pogrom de 1936. De manière générale, il restait actif dans toutes les initiatives juives de l'époque.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, Brones a pris part à la Résistance. Après la guerre, il a contribué à retrouver les enfants de parents originaires de Minsk, assassinés dans les camps de concentration. Il a veillé à ce que ces enfants trouvent une place dans les orphelinats de la Commission centrale pour l'enfance, rattachée à l'Union.
À la création de l'État d'Israël, Brones a exprimé son amour, sa sympathie et son enthousiasme à chaque occasion. Son nom reste étroitement lié à celui de la communauté des originaires de Minsk, à laquelle il était dévoué corps et âme, jusqu'à son épuisement et que sa santé se détériore.
Il est décédé le mercredi 9 novembre 1966. Sa disparition a marqué non seulement la perte d'un militant engagé, mais aussi celle d'un homme cultivé, instruit, polyglotte, amateur et fin connaisseur d'art et de peinture.
Par ses connaissances et son parcours, il a largement contribué au développement de la société dès ses premiers jours.
Notes de bas de page du traducteur
par Yosef Margulies (Paris)
Bien que je sois moi-même né à Kałuszyn, j'ai été, dès ma plus tendre jeunesse, lié à Minsk par des liens familiaux les plus étroits.
Je suis arrivé à Paris avant même d'avoir treize ans. C'était en juillet 1923, une période difficile pour les nouveaux immigrants, qui s'étaient regroupés dans quatre quartiers pauvres aux ruelles étroites et sales, et dans des logements encore plus exigus. Le travail pénible, souvent jusque tard dans la nuit, était chose courante du moins pour ceux qui avaient la chance d'en trouver… Dans de telles conditions, un jeune homme de 21 ans, seul dans un pays étranger, n'était déjà plus un enfant fragile, mais un adulte mûri, endurci par les dures expériences de la vie sur tous les fronts.
Dans un tel contexte, quoi d'étonnant à ce que j'aie été attiré comme par un aimant vers mes cousins de Minsk, Rivtshe et Max Oshliak, dans leur logement de la rue Basfroi (plus tard rue de la Roquette). Autour de la grande table dans une pièce modeste, j'ai rencontré divers personnages bundistes, sionistes, communistes, et aussi des écrivains. J'étais, il est vrai, un simple témoin silencieux, mais j'absorbais avidement les discussions passionnées sur les problèmes nationaux et internationaux qui agitaient le Paris juif de ces années-là. C'est là aussi que j'ai fait la connaissance de presque tous les Minskers venus à Paris. Dans cet appartement, ils trouvaient un peu de répit, un premier foyer, et surtout de l'aide pour trouver du travail, des papiers, et un moyen de rester dans ce nouveau pays.
La belle Rivtshe servait, pendant ces discussions animées, des douceurs avec le thé des gâteaux, des fruits et créait ainsi une atmosphère chaleureuse, celle d'un véritable foyer juif.
Plus d'une fois, alors qu'on était ainsi réunis autour de la table, la porte s'ouvrait soudain et un nouveau venu faisait son entrée. Aussitôt, les discussions se tournaient vers des sujets plus concrets : des salutations du pays, la Pologne, et surtout des possibilités de s'installer dans ce nouveau pays. C'est là que Max Oshliak se montrait incomparable par son dévouement, son engagement sans limites, son amitié sincère et sa fidélité envers chaque compatriote. Il courait d'un bureau à l'autre pour obtenir des papiers, trouver un travail pour la journée. Il ne connaissait ni la fatigue ni le découragement quand il s'agissait de rendre service à quelqu'un. Lui-même travaillait alors comme serveur dans un restaurant juif. Doué par nature d'un tempérament joyeux, il dégageait une chaleur humaine authentique et populaire. Il a énormément contribué au bien-être de ses compatriotes et, de manière générale, était d'un dynamisme social remarquable, ce qui lui valait une large reconnaissance.
C'est là, chez Max, que j'ai entendu pour la première fois parler d'Itshé Brones une véritable figure légendaire parmi les originaires de Minsk, et dans le Paris juif en général. Des légendes circulaient à propos de son activité clandestine en Pologne avant son arrivée à Paris, en 1919, où il s'était rapidement imposé au premier plan de la vie sociale juive.
Oshliak a été le bras droit de Brones, le véritable exécutant de tous ses plans et projets liés à l'activité de la société des originaires de Minsk à Paris et ce, tout au long des années. Lorsque Brones nous a été arraché, Oshliak a poursuivi son engagement au sein de cette association. C'était un chêne, solide, sur lequel on pouvait s'appuyer avec confiance. Quand la mort cruelle l'a emporté lui aussi le 29 juillet 1973 cela a été un coup dur, des plus douloureux. Les Juifs originaires de Minsk à Paris ressentent encore aujourd'hui cette perte.
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le père de Max Oshliak |
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Mińsk Mazowiecki, Pologne
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Updated 16 Jun 2025 by JH