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[Page 105]

Le Rabbin Naftali

par Yossef Zisholtz -Tel Aviv

Traduit par S. Staroswiecki

Le rabbin Naftali Shapira devint le rabbin de Kałuszyn après la mort de son beau père, le rabbin reb Zeligl (de bienheureuse mémoire). Il fut immédiatement apprécié par ses fidèles, que ce soit à Kałuszyn ou dans d'autres villes et bourgades, en raison de ses grandes qualités et du fait que c'était une personne affable, par son amour d'Israël et sa belle prestance qui suscitait respect et affection.

Tous les vendredis, les juifs de Kałuszyn observaient le rabbin marcher d'un pas décidé, accompagné de ses enfants et de Pelte le bedeau pour aller se purifier au plus vite en l'honneur de Shabbat. Et dès que Shabbat approchait, on se pressait chez le rabbin, vętu de soie, de velours, et shtreimel sur la tęte.

La voix chaleureuse et pleine de dévotion du rabbin Naftali récitant le :
« Hodu la' ki tov ki leolam khasdo »[1] ' et « Lekhu neranena »[2] du Baal Tefila[3] Reb Shmuel Eli Freylekh apportaient l'extase et la ferveur. Quand le rabbin levait ses deux mains on aurait dit que son grand corps planait dans les cieux.

Après la prière, les hassidim avaient coutume de se rassembler autour de la table du rabbin. Shmuel Mendl Akive Meïr aidait toujours à couvrir la table et y disposer les 12 pains tressés. Et les musiciens Reb Shmuel Eli Freylekh, Tanhoum Hazan, Pelte Yenkel et son fils chantaient des cantiques. A chaque fois on finissait par des paroles de Torah et on se partageait les aliments bénis par le rabbin.

Les jours redoutables[4], de nombreux hassidim se rendaient chez le rabbin Naftali près de son pupitre, enveloppé de son châle turc et tous tremblaient lorsqu'il entonnait « Ysgodal veiskadash »[5] , et quand il récitait la prière « Odem eykh izke, bekhol yom lamoves mekhake »[6], de chaudes larmes coulaient de leurs yeux. Les jours de prières de pénitence, à Rosh Hashana et à Kippour, il était le seul ministre officiant au pupitre de lecture et ses prières brisaient les cśurs.

A Simhat Torah, pendant les Hakofes[7], la joie du rabbin était indescriptible Alors, on se confondait en louanges envers le rabbin, on faisait le compte de sa généalogie qui s'étendit du Reb Simkhe Bonim de Przysucha au ''saint juif''[8] ; Le jeune Samuel Zusman prenait soin des boissons alcoolisées afin qu'il ne manque pas un seul tonneau de bière.

A chaque fois, lors de la prière, au moment où on devait prononcer « l'an prochain à Jérusalem », le rabbin exprimait son grand amour pour la terre d'Israël.

En 1930, je suis venu d'Israël rendre visite au rabbin Naftali. Il m'a reçu de cette façon : -« Quand un de nos Juifs, viens de la Terre Sainte, c'est un tel privilège que de parler avec lui ! »
Et quand je lui ai remis des cadeaux de la terre d'Israël, des parfums, des tsitsis[9] et une boîte de cigares et qu'il voyait que l'étiquette sur la boîte était écrite en hébreu, alors les larmes lui venaient aux yeux :

« Ay, quel privilège tu as d'habiter là bas ». Il observait également avec grand enthousiasme les quelques pièces de la terre d'Israël et me disait :-« Comme je t'envie ».
Le grand admirateur d'Israël, Reb Naftali a toujours espéré ętre : « l'an prochain à Jérusalem » et, il a partagé les souffrances de sa communauté quand elle tombée sous le joug scélérat des infâmes nazis.

Que sa mémoire – La mémoire d'un juste, soit bénie !

Yossef Zisholtz-Tel Aviv


NdT

  1. Célébrez Dieu, car il est bon et sa miséricorde est éternelle Return
  2. Psaume 95 – ''Venez, chantons avec allégresse à l'Eternel''. Premier des psaumes récités pour l'accueil du Shabbat Return
  3. Maître de la prière Return
  4. Jours redoutables : Yomim Noroim : Fętes solennelles du début de l'année juive. Return
  5. Le Kaddish Return
  6. Comment un homme pourra-t-il ętre méritant, sachant que la mort l'attend tous les jours ? Return
  7. Hakofes :( Hakafot en hébreu) : littéralement cercles- Pendant la fęte de Simhat Torah, l'assemblée danse et chante avec les rouleaux de la Torah. Return
  8. Der yid hakodesh : le saint juif : Rabbi Jakob Itzhak Rabinowicz (~1766-1813) Return
  9. Les Tsitsits (tzitzis ou tsitsis selon la prononciation ashkénaze; sont des "franges" ou "tresses" façonnées au coin des vętements, souvent retrouvées sur les bords du Talith. Les Juifs observants portent des vętements munis de tzitzit afin de se conformer à une prescription biblique. Dans le judaïsme orthodoxe, le tzitzit n'est porté que par les personnes mâles. Source Wikipédia Return


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Judaïsme et Unite

par Yakov Zisholts –Tel Aviv

Traduit par S. Staroswiecki

Kałuszyn était une ville pieuse et même les non-juifs de la ville savaient comment exploiter la religiosité juive. Le non-juif Ratovitch qui a été pendant 60 ans le maire de la ville saisissait toujours les bougies comme garantie, quand on ne payait pas les impôts. Il savait très bien qu'on ne se dépêcherait pas de payer aussi vite s'il s'agissait d'un autre objet. Mais des bougies !! Comment pourrait-on célébrer Shabbat sans bougies ?

 

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Itzik Krokhmalnik et Itzl Meydnboym étaient les administrateurs de la communauté. Mais ils n'étaient pas très occupés. Tout était dans les mains du rabbin et tout était comme dans le vieux vrai monde. Ce n'est que quand Reuven Mikhelson et Yankl Shteyn sont devenues les « dozores »[1] que de nouvelles façons de faire ont vu le jour, de nouvelles méthodes avec des partis et des disputes, vraiment autre chose.

J'ai été le premier responsable de la confrérie des « Mishnaiyes »[2], la confrérie comprenait en son sein les hassidim de tous les « shtiblekh »[3]. L'appel de la Torah unissait tout le monde sans exception, et sans dispute.

Une certaine année, on ne put trouver d ' « Etrog »[4] que chez Moshé Lipinski, le négociant en bois, qui avait conservé un Etrog de l'année dernière. Alors, toute la ville fit sa bénédiction sur un seul Etrog.

Une telle unité juive, je l'ai à nouveau ressentie quand je suis monté en Israël en 1934. Le bateau était plein de hassidim de toutes origines. Tous les shtiblekh, s'étaient confondus en un… on a cuit le second pain de shabbat, on a servi une boisson et toutes les mélodies se fondaient en une comme si on se rendait tous chez le même rabbin.

Pendant le voyage sur le bateau, j'ai cru entendre à nouveau la voix de celui qui lisait la Torah, le rabbin Yekhezkel Shtulman (de bienheureuse mémoire). Comme auparavant, dans la confrérie des Mishnayes, quand tous les cœurs battaient à l'unisson de judaïsme et d'unité.

Yakov Zisholts –Tel Aviv


NdT

  1. Dozor : Membres du conseil communautaire Return
  2. Mishnayes : Return
  3. Shtiblekh : oratoire Terme utilisé par les juifs hassidiques. Lieu combinant les fonctions d'oratoire, de maison d'études et d'activités sociales. Return
  4. Etrog : est l'une des variétés de cédrat, un citrus de la famille des oranges et des citrons Return


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Deux Confreries[1]

par Avraham Potashnikv – Givataïm

Traduit par S. Staroswiecki

La confrérie «Akhim [2]» fut fondée en 1909.

Israël David Obfal, Yossel David le tourneur, Yenkel Kałuszyner, Velvl Toker, Itzhak Lukover, Guedalie Kaptsan, Tankhum Minski (mort à Bojmie), Avrom Itzhak Lis et Avraham Potachnik en furent les fondateurs.

La confrérie comptait 30 membres et put commencer ses activités grâce à un apport de 50 roubles de chacun de ses membres.

Grâce à cet argent, on ouvrit une caisse d'entraide qui distribuait des prêts aux membres adhérents de la confrérie, ainsi qu'aux nécessiteux qui n'en faisaient pas partie. Reb Bendet, un des membres, souhaitait vivement en être le trésorier. La confrérie lui réclama, une grande somme (plusieurs milliers de zlotys). Il donna cet argent et, après avis positif des autorités communautaires, en devint le trésorier.

La confrérie se conformait aux usages hassidiques, on venait toujours en groupe et à chaque fois chez un autre.

La confrérie a même eu un représentant à Varsovie, Isroël David, celui qui transportait la viande à Varsovie donnait une prescription au nécessiteux qui recevait de l'aide sur cette base ; pour un juif qui en avait besoin étant loin de son foyer, parce qu'il faisait du commerce ou pour d'autres raisons. C'était un grand exploit.

La confrérie « Lines Hatsedek ».

Le même groupe qui avait créé la confrérie « akhim » avait aussi créé le « Lines Hatsedek », une mitzva en entrainant une autre…

La mission principale de « Lines Hatsedek » consistait à porter aide aux malades. Le « Lines Hatsedek » envoyait ses membres passer la nuit chez les malades et s'occuper si nécessaire de leur procurer des médicaments et d'autres besoins.

Le travail qu'accomplissait la confrérie « Lines Hatsedek » ne plaisait pas aux docteurs de la ville. Ils disaient que cela faisait courir un danger, que rendre visite aux malades contaminerait les personnes bien portantes et propagerait les maladies dans la ville. Mais malgré toutes ces craintes et ces dangers, la confrérie, « Lines Hatsedek » accomplissait son travail, envoyait ses membres au chevet des malades afin d'accomplir la mitzva du sauvetage d'une vie humaine.

Les deux confréries n'avaient qu'un but: Aider les juifs dans la détresse.

Avraham Potashnikv – Givataïm


NdT

  1. Confrérie dans le sens de société de bienfaisance. Return
  2. Akhim : Frères en hébreu. Return


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Trois confréries en une

par Shlomo Kuperhant – Ramle

Traduit par S. Staroswiecki

La Confrerie « Hakhnosses Kale»[1]

La confrérie « Hakhnosses Kale », qui a existé et accompli son œuvre pendant de longues années avait complètement cessé ses activités pendant la première guerre mondiale, et ce n'est qu'en 1923 que ses activités ont repris sous la direction de Moshé Eynbinder (le chef, dirigeant « der Rosh ») et Ephraïm Shlep.

Chaque fiancée nécessiteuse recevait un trousseau de la confrérie, soit 50 złotys quand elle passait sous le dais nuptial, et, si elle organisait une fête de mariage, la confrérie lui donnait de 150 à 200 złotys. Les dépenses étaient couvertes par l'argent que la confrérie récoltait pendant les périodes de fêtes. La première année déjà, la confrérie avait réussi à épargner 1500 złotys et on réfléchissait à construire un bâtiment pour la « Hakhnosses Kale ». Mikhael Mikhelzon, membre du conseil communautaire, qui portait toujours assistance à la confrérie, avait promis de leur céder un emplacement à la vieille maison d'études, à l'endroit même ou se tenait auparavant la vieille synagogue, et on commen ça la construction rapidement. Au premier jour consécutif de la fête de Pessah, on posa la première pierre. Les musiciens jouèrent de la musique et les juifs de la ville contribuèrent financièrement avec largesse.

Chaque chef de famille ayant des briques dans sa cour les apportait en cadeau pour le bâtiment de la « Hakhnosses Kale ». Les charretiers conduisaient gratuitement tous les matériaux de construction, les couvreurs donnaient pour les toits, les artisans et les ouvriers offraient un jour de travail. Moshé Tchernistski avait pris sur lui l'aménagement extérieur de la maison. Grâce aux chichis[2], aux akhrons[3] et maftirs[4] qu'on achetait toute l'année, on assura l'aménagement du plafond et c'est ainsi que grâce à la bonne volonté de la communauté que le travail se poursuivit et qu'à Rosh Hashana de la même année, on se mit déjà à prier dans le bâtiment qu'on avait construit.

A peine le bâtiment construit, on entama la construction d'un étage.

Là, on aménagea la Yeshiva de Reb Tzvi Dantsiger et de son adjoint Naftole Rafalovitch.

Reb Tzvi Dantsiger était un grand érudit et il attirait dans sa yeshiva des jeunes gens originaires de toute la Pologne. Il était très proche des juifs du « peuple » et par conséquent, n'était pas très accepté par les hassidim de la ville. Les gens soutenaient la yeshiva et les jeunes gens venaient y manger « le jour ». Un de ces jeunes hommes, Shmuel Minsker de Minsk Mazowiecki se dépla çait de temps en temps dans les grandes villes, y tenait des sermons enflammés et ramenait de l'argent pour la yeshiva. Ce jeune homme est mort à Kałuszyn et a laissé un testament, dans lequel il demandait que les juifs de la ville se recueillent un moment sur sa tombe. Toute la ville fut peinée de la mort de ce jeune homme.

 

La Confrerie « Hakhnosses-Orkhim»[5]

Après la construction du bâtiment de la « Hakhnosses Kale », on a aménagé, dans les pièces du soubassement un emplacement pour la « Hakhnosses orkhim » où les voyageurs de passages pouvaient passer la nuit. La confrérie utilisait les services du bedeau, Reb Peretz qui avait dans la maison du « Hakhnosses Orkhim » une pièce et une cuisine.

Et c'est ainsi que la confrérie « Hakhnosses Kale » est de facto devenue également la confrérie des « Hakhnosses Orkhim » .La confrérie récoltait de l'argent pour ces deux objectifs. De Pourim à la veille de Yom Kippour, les rentrées d'argent allaient à l' « Hakhnosses Orkhim » et ensuite à l' « Hakhnosses Kale. »

 

La Confrerie « Nose-Mite »[6]

La même confrérie s'occupait également de « Nose Mita » qui était liée à la « Hevre Kadishe[7]». Tous les membres de la confrérie devaient, sur l'instance de Reb Moyshéle Eynbinder se présenter et s'occuper quand il le fallait de la Mitzva de « Hessed shel emes[8]».

Lors d'un hiver rigoureux, la « Hevre Kadishe » voulut suivre la coutume de se rendre au cimetière en fourgon et ne porter que les riches et les notables. La confrérie « Nose-Mite » ne fut pas d'accord et rétorqua avec insistance que tous étaient égaux et qu'il fallait porter tout le monde au cimetière, le riche comme le pauvre, les notables et les juifs simples. Quand la « Hevre Kadishe « commanda un wagon chez un forgeron, les gens de la « Nose-Mite » le mirent en pièces et n'acceptèrent pas le nouvel ordre et l'enterrement. Moshé Eynbinder dirigea cette confrérie composée de trois confréries : l' « Hakhnoses Kale », l' Hakhnoses Orkhim », et la « Nose Mite ». Il a tout accompli avec foi et dévotion.

Shlomo Kuperhant – Ramle


NdT

  1. Hakhnosses kale: assistait les filles nécessiteuses pour leur mariage Return
  2. Chichis: Personne appelée à la synagogue pour le sixième passage du texte de la Torah Return
  3. Akhrons: Le dernier des sept fidèles appelés à la lecture publique Return
  4. Maftirs: lecture publique à la synagogue Return
  5. Hakhnosses-orkhim : conformément à la loi de l'hospitalité, la confrérie fournissait un lieu de repos pour les gens de passage. Return
  6. Nose-mite : confrérie portant les morts sur un brancard Return
  7. Hevre Kadishe: confrérie du dernier devoir Return
  8. Hessed shel emes: action accomplie sans attente en retour. Dans ce cas, derniers rites d'enterrement fournis aux morts. Return


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L'Association Ahiezer

par David Felner (Ben Avraham)

Traduit par S. Staroswiecki

La société d'entraide Ahiezer était une des confréries les plus populaires de Ka³uszyn. Fondée avant la première guerre mondiale, elle fut en activité jusqu'aux dernières années précédent l'extermination des juifs de Kaluszyn.

Les fondateurs de la confrérie provenaient de tous les milieux de la population juive : David Birnboym le fabricant de taliths, Moshé Popovski Le menuisier, Yacov Dovid Baranek, un tailleur, Herschel Lerman, un enseignant, Yossef David Ovrontshki, un tourneur. Arieh Zlotovski, un Przystawce, Ozer Minski, un pâtissier, Motl Reyzman, un charretier et d'autres encore…
La confrérie avait l'habitude de se réunir chez David Baranek le tailleur, pour les offices de Shabbat et les jours de fête.

Là-bas, la confrérie organisait des réunions et des rassemblements et différentes fêtes amicales Pendant des décennies la porte fut ouverte à tous les nécessiteux .Et plus tard, la confrérie a poursuivi ses activités dans l'appartement de Meïr Hershman (Dovrer).

La principale activité de la confrérie Lines Tsedek consistait à assurer une permanence aux malades et à fournir une assistance médicale. L'institution était en contact avec deux docteurs : Le docteur juif de Ka³uszyn , Hopenstadt et le docteur Regalski de Miñsk Mazowiecki que l'on faisait venir en cas d'urgence.

A la fenêtre de la confrérie une grande enseigne, informait d'une manière très claire des buts humanitaires de la confrérie. Sur l'enseigne, était peint un malade au lit et un ami assis à coté de lui en train de le veiller. Ceux qui venaient chercher de l'aide y trouvaient une adresse sûre. Moyennant une petite contribution, et gratuitement pour les pauvres, une aide médicale était toujours disponible ;

En 1923, la confrérie a célébré la conclusion de l'écriture d'un Sefer Torah

par une grande parade. Toute la ville y a participé, la petite formation musicale de Ka³uszyn a joué pendant un jour et une nuit entière.

On ne laissait passer aucune fête et tous les soirs de Shabbat, on organisait un

« Melave malke »[1]. Parfois, même en milieu de semaine, on organisait un repas avec des petits pois et de la bière. Les membres de la confrérie contribuaient volontairement à toutes les dépenses et c'est ainsi que par des fêtes ils remontaient le courage de la confrérie.

La chorale, dirigée par Moshé Popovski fut une des plus belles réussites de l'Ahiezer. Moshé et ses enfants Motl, Haïm, Yone, Fishl en étaient les principaux choristes. Dans la chorale, il y avait également Zelig Wolinski, Dovid Birenboym et son fils Moyshele, Arieh Zlotovski, Hershl Lerman et Mendl Lipshitz, tous deux enseignants. Il ne s'agissait pas d'une chorale moderne ayant suivi une formation classique et connaissant les notes , mais on chantait, en y mettant du sentiment et avec une grande ferveur religieuse des mélodies et des marches que le fils de Popovski rapportait de Modshitz et que l'on répétait lors du Melave Malke et des repas afin de pouvoir les chanter « comme il faut » les Shabbat et les jours de fête.

Parmi les envoyés qui se rendaient à Modshitz pour en « rapporter » les mélodies, se trouvait également Reb Melekh Lipshitz qui avait une bonne oreille. Dès que les envoyés revenaient avec les mélodies, Moshé Popovski se mettait au travail. Tous les juifs qui travaillaient dur et étaient toujours accablés de soucis trouvaient dans le chant, un apaisement et un but. Cela leur redonnait de la confiance dans leur vie.

Et c'est ainsi que ce groupe - la confrérie Ahiezer - issue de la population de Ka³uszyn a fonctionné en donnant l'exemple d'une fraternité. Il a, avec les autres confréries religieuses forgé et stimulé la vie juive à Ka³uszyn, pratiquement jusqu'aux derniers moments, jusqu'aux dernières années de l'hitlérisme et de l'extermination.


NdT

  1. Melave malke : Melaveh Malka (de l'hébreu : escorter la reine) est le souper qui marque la fin du Shabbat, le samedi soir). Le but du repas est d'escorter symboliquement « la reine du Shabbat » (métaphore traditionnelle du Shabbat dans la liturgie) en chantant et en mangeant, comme on escorterait un monarque qui quitterait sa ville. Ce repas est également appelé le ''quatrième repas''. Return


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Les Abatteurs Rituels

par Yossef Zisholts – Tel Aviv

Traduit par S. Staroswiecki

Malgré que dans le traité Houlin, l'on nous ait enseigné que « Hakol shokhtin »[1] , il était cependant très difficile d'ętre un « shohet »[2]. Pour ętre « shohet », il fallait ętre expert dans les lois du Talmud, dans le « Yore Dea »[3] , et dans toutes les lois relatives à l'abattage. Si on voulait ętre engagé en ville, le « Kahal »[4] faisait attention à ce que la personne ait la crainte de Dieu, qu'elle soit pieuse et ait de bonnes qualités. Dans certains shtetls, on exigeait que l'abatteur soit également un « Hazan »[5] et un « Mohel »[6] , et en sus de toutes ces qualités, les hassidim exigeaient qu'il soit également un hassid, et, évidemment les hassidim de Ger[7] préféraient qu'un hassid de Ger soit un shohet et ceux de Parysow[8] , un Parysower.

Chez nous, à Kałuszyn, on faisait surtout attention à ce qu'il soit un bon et pieux « shohet », mais le hasard faisait, que pendant les jours terribles, Reb Eliezer récitait le « moussaf »[9] au pupitre de la vieille maison d'études et que Reb Abraham Mordekhaï priait dans l'oratoire de Ger.

Tous les « shohatim » de la ville étaient des érudits, des hassidim à l'aspect imposant. Les deux premiers « shohatim » furent : Reb Beynish, un bel homme, un hassid d'Aleksandrów[10] , et Reb Abraham Mordekhaï, un hassid de Ger et un grand érudit. Comme on me l'avait rapporté, les deux abatteurs étaient renommés dans toute la région et considérés comme les deux meilleurs « shohatim ». De fait, leurs enfants héritèrent de la charge d'abatteurs.

Reb Moshé Haïm succéda à Reb Beynish et Reb Henikh succéda à Reb Mordekhaï.

Le troisième « shohet » de la ville était Reb Eliezer de l'oratoire de Parysow.
Les dernières années, un troisième « shohet » vint s'ajouter aux autres. Reb Nahum Unger, un gendre du rabbin. Il se rendait encore dans les villages pour pratiquer l'abattage rituel. A proximité de l'abattoir, opérait également le fidèle Reb Haïm, un juif honnęte et une personne très versée dans la Torah.

J'ai très bien connu les 4 « shohatim ». J'étais leur voisin. En se rendant à la prière à la maison d'études, je passais devant la fenętre de Reb Henikh le « shohet ». Les deux « shohatim », le père et le fils Reb Abraham Mordekhaï et Reb Henikh se tenaient à la fenętre l'un à côté de l'autre. Reb Henikh aiguisait son couteau sur une pierre à meuler noire, de dessus, de l'eau gouttait d'une bouteille, par une plume sur la pierre ; Reb Henikh retournait toujours le couteau, l'aiguisait et le caressait, l'essuyait sur un tissu blanc et le tendait ensuite à son père, Reb Abraham Mordekhaï, afin qu'il le vérifie. Il le faisait passer sur son ongle et lorsque Reb Mordekhaï donnait son approbation, on savait que c'était irréprochable. Deux fois par mois on se rendait chez le rabbin pour le lui montrer, qu'il l'essaye et donne son approbation. En effectuant cet « examen », le rabbin gardait un śil sur chaque « shohet » afin que, « Dieu nous en garde », il n'y ait pas le moindre défaut.

 

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Reb Henikh sho''b
(shohet ubodek-titre honorifique) (Riba)

La profession de « shohet » était très protégée et difficile. Męme les jours de fęte, les « shohatim » n'avaient pas de jours de repos. On les réveillait pour égorger un pigeon ou une poule. Celui qu'on dérangeait le plus, męme dans son sommeil était Reb Henikh « shohet » parce qu'il était le plus jeune des abatteurs et on avait moins pitié de lui. Reb Nahum aussi, le « shohet » du village, égorgeait dans les abattoirs de la ville les jours de fęte.

Qu'il était beau de voir les « shohatim » aller ensemble à l'abattoir. J'observais particulièrement comment Reb Abraham Mordekhaï et son fils Reb Henikh passaient devant les marais. Reb Henikh portait le grand couteau rituel dans le fourreau et écoutait en chemin des paroles de Torah de son père Reb Abraham Mordekhaï. Avec grande courtoisie, les bouchers prenaient en charge les abatteurs rituels dans les abattoirs. Il s'agissait également de nobles juifs, portant l'amour de la Torah et ayant du respect pour les personnes versées dans la Torah.

Peu sont restés de ces familles aux branches ramifiées d'abatteurs respectables. Mais un d'entre eux est parmi nous Il s'agit d'Aryeh Shamri, le fils de Reb Henikh « Shohet ».

 

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Rivka Riba

Yossef Zisholts – Tel Aviv


NdT

  1. Le traité « Houlin' » du Talmud de Babylone indique que « Hakol shokhtin » : tout homme majeur, versé dans les lois de la « shehita » (abattage rituel), en pleine possession de ses facultés physiques et intellectuelles, peut abattre rituellement (Houlin 2a). Return
  2. Shohet : Abatteur rituel-Shohatim au pluriel Return
  3. Le traité « Yoré Déa' » du « Shoulkhan Aroukh » prévoit les critères d'obtention de la « kabbala » (certificat) : Des aptitudes physiques, une parfaite connaissance des règles nombreuses et complexes de la « shehita » (abattage rituel) - des qualités morales et de fidélité sincère à la Torah Return
  4. Kahal : L'institution qui gouverne la communauté juive d'Europe orientale traditionnelle Return
  5. Hazan : chantre qui conduit le service de la prière à la synagogue Return
  6. Mohel : Le mohel (מוהל en hébreu, mohelim au pluriel) est la fonction de celui qui exécute la Brit milah selon la tradition juive, c'est-à-dire la circoncision. Wikipedia Return
  7. Hassidim de Ger (Góra Kalwaria) : Dynastie hassidique originaire de Ger, petite ville située non loin de Varsovie Return
  8. Originaires de Parysow, ville située à une centaine de kilomètres au sud -est de Varsovie Return
  9. Moussaf :(hébreu מוסף, rajout) prières addition nelles. Return
  10. Aleksandrów Łódzki : petite ville située près de Łódź Return


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Les Metiers Des Juifs de Kałuszyn

par Itzhok Minski - Ramat Itzhak (Israel)

Traduit par S. Staroswiecki

Les chiffres que j'indique ne sont pas le résultat d'une étude scientifique. Ils se basent sur ma mémoire et les relations que j'entretenais en ville. Je me suis également renseigné auprès des Juifs de Kałuszyn de différentes professions afin de donner peu ou prou une image détaillée des professions exercées sur une période de temps donnée, les années 28-29, au moment où la grande crise a eu des répercussions dans la vie et la survie des juifs de Kałuszyn.

 

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Responsables de l'Union des artisans

Fabrication D'Articles en Cuir:

CordonniersNombre
d'employés
Fournissaient le cuir pour la production de bottes et les vendaient sur les marchés4
Fabriquaient et vendaient les bottes eux mêmes sur les marchés10
Fabriquaient tous seul et les vendaient à des commerçants5
Fabrication de chaussures pour enfants6
Travailleurs à domicile qui ne travaillaient que pour les commerçants12
Ateliers répondant à des commandes privées15
Fabrication de chaussures pour femmes10
Magasins de chaussures de toutes sortes6
Krakes ( ?) et pantoufles6

Piqueurs sur Cuirs:

Pour magasins bon marché4
Pour répondre à des commandes7
Pour des chaussures pour femmes7

Apprentis

Apprentis dans les ateliers de cordonniers15
Chez les piqueurs de cuir (beaucoup de tâches auxiliaires exécutées par leurs propres enfants.)25

La Fabrication D'Objets en Bois:

Tourneurs : 30 maîtres, 50 apprentis. Fabrication de : jeux d'échecs, ternes [1], pipes, manches pour la vaisselle. Pieds pour tables, poupées et jouets. Font beaucoup appel aux enfants et utilisent des machines primitives pour actionner les tours. L'utilisation des machines électriques ne se répand qu à partir de 1928. Dans les années 30, la profession connaît un « boom » avec la folie du « yo-yo ». Les commerçants de Varsovie attendaient devant les machines et se jetaient sur chaque article produit.

Fabricants de Meubles:

15 maîtres, 10 ouvriers et beaucoup de travaux d'assistance par leurs propres enfants. Fabrication de meubles pour la population locale, comme pour les paysans aisés de la région.

Couvreurs

10 maîtres, 20 ouvriers. Pose de toitures en tuiles, en ville et dans la région. On mettait aussi à contribution les petits enfants.

Menuisiers du Batiment

Fabriquaient des portes et des fenêtres pour les habitations. (3)

Maçons:

3 maîtres. Pour l'essentiel, installaient les poêles dans les maisons et différents équipements ménagers, également en bois.

La Confection:

Confectionneurs20
Tailleurs sur mesure5
Pardessus et costumes2
Vêtements pour femmes5
Linge et vêtements de mariée3
Robes de chambre et caftans fendus4
Retournement de vieux vêtements4

 

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Atelier de menuiserie (Driter et Yedvab et Driter)

Autres Professions:

Chapeliers10
Vanniers : travaillaient pour l'essentiel pour les paysans de la région.3 familles
Ferblantiers : fabriquaient différents articles en tôle et des gouttières pour les toits.3
Boulangers : Ils cuisaient pour la ville et faisaient le tour de la région avec leurs gâteaux.7
Coiffeur : Les enfants exerçaient la même profession que leurs parents.7
Forgerons : Aux portes de la ville ils s'occupaient des chevaux et des véhicules.5
Porteurs : Vieux juifs. Ils s'échinaient à porter les sacs lourds, jusqu'au jour où ils avaient la chance de bénéficier d'un cheval et d'une charrette, ce qui les soulageaient.15
Charretiers : Transportaient les gens en calèche jusqu'à la gare de Mrozy.6
Livreurs : qui partaient vers Varsovie. Ils transportaient des produits et des marchandises.10
Vendeurs de Fripes : Rassemblés, les chiffons étaient envoyés à Bia³ystok et £ódŸ.10
Fabricants d'Ustensiles : Ils travaillaient tous dans l'usine d'ustensiles. seul 2 chrétiens y travaillaient.28
Bouchers : Disposaient de boucheries au centre du marché et aux alentours.Quelques dizaines de familles et beaucoup d'assistants
Peintres en Batiment: Ils étaient très demandés en général à l'approche des fêtes.3
Musiciens :Toute une famille dont la musique était la passion et le gagne-pain. Réputée dans la ville, dans toute la région et à Varsovie aussi.
Feldshers (Barbiers-chirurgiens): Officiaient en ville et chez les paysans de la région. Avaient la réputation de docteurs.2
Photographe : Un seul .Il accompagnait les jeunes et était présent lors des manifestations culturelles. Prenait une photo à chaque évènement.Un seul
Horlogerie : Ces « spécialistes » étaient aussi au courant de ce qui se passait dans le vaste monde. De ce fait, l'horlogerie était également le centre où on parlait politique et on apprenait les nouvelles…

Ateliers de Plus Grande Taille et Petites Usines

La célèbre spécialité de Ka³uszyn, la fabrication de taliths occupaient 20 maîtres- tisseurs et soixante ouvriers (bien organisé par le « Poalei Sion »[2].

Il y avait deux grands moulins en ville, celui de David Rozhe et de Peretz.

Les usines de fourrures - Berman et Gozik.

Plusieurs dizaines de familles en vivaient. Les fourrures allaient aux militaires et aux ouvriers du tramway.

Il y avait également des petites fabriques de papier tue-mouches et de papier collant où 20 jeunes filles travaillaient. On venait aussi sur place pour rapporter du travail à la maison.

Il y avait également une petite usine de boites, une fabrique de cigarettes et une fabrique d'eau gazeuse. Il y avait également cinq petites usines de brosses qui étaient en grève une semaine sur deux et dont les patrons étaient aussi « riches » que les ouvrières.

Le Commerce

Dans le secteur commercial, on se disputait aussi bien pour le bout de gras, que contre la plaie des impôts et les persécutions. Les juifs essayaient d'éviter les ennuis en faisant appel à leur ingéniosité.

Tous ceux qui faisaient du commerce « bon marché » louaient des chevaux et des véhicules, prenaient avec eux femmes et enfants, emportaient leurs taliths et tefillins et partaient sur les routes, été comme hiver. Quand il faisait froid, on venait s'installer dans les communautés, pour se réchauffer près d'un feu, venir y prier d'abord et commencer ensuite la journée par des marchandages et conclure en « topant dans la main » – « un złoty pour moi, un pour toi, et… ». Parfois on ne négociait même pas et on n'avait pas de quoi payer le « cocher ».

Ces mêmes commerçants et artisans se déplaçaient jusqu'à Varsovie pour acheter des marchandises avec 2 z otys en poche, essayant d'acheter « ouvert »[3] et contre des lettres de change, dans l'espoir de faire des bénéfices et qu'on leurs rachètent, mais souvent ils devaient prendre un prêt pour payer leurs frais de retour à la maison.

Beaucoup d'artisans étaient prêts à tout pour gagner leur vie. Les chèvres assuraient des revenus complémentaires aux bourreliers. De nombreux autres artisans travaillaient dans les vergers. En réalité, on ne possédait que quelques arbres dans un village, on s'y installait avec femme et enfants et on regardait chaque fruit comme un miracle…

A chaque fois que Les juifs se trimballaient en charrette avec un peu de marchandises vers Varsovie, ils tremblaient de tous leurs membres de se trouver face aux brigands de « Mi³osna ». Si on se trouvait sur leur chemin, on rentrait chez soi dépouillé.
Et en ville, tous les « commerçants volants » étaient pour la plupart âgés, brûlés par le soleil en été et par le froid en hiver, collés aux réchauds. Un seul jour dans la semaine faisait vivre les poissonniers (7 familles) : le vendredi. Tous ces gens devant leurs étals dans l'attente perpétuelle d'un client après avoir erré de marché en marché. Tous les négociants en céréales qui envoyaient des représentants sur les routes afin qu'ils trouvent un paysan possédant un cheval et un véhicule pour lui livrer directement un sac de blé. Tous les commerçants en bois (5 familles) ayant toujours peur des forêts et des voleurs, et tous les négociants, vendeurs de taliths, toujours à se déplacer au loin et à devenir étrangers à leurs propres enfants. Ils se rejoignaient tous dans leurs soucis et tracas afin de pouvoir gagner leur vie au jour le jour.

Itzhok Minski - Ramat Itzhak (Israel)

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Administrateurs de L'Union des Artisans du Cuir


NdT

  1. Terne : probablement du polonais Œliwa tarnina : prunellier. Son bois est très dur, il était utilisé comme bois d'œuvre, pour la protection des digues et des haies et pour la confection de cannes Return
  2. Poalei Sion : Parti sioniste marxiste créé en 1906. Return
  3. Ouvert : avec la possibilité de retourner la marchandise invendue Return


[Page 116]

Du Pain Azyme pour les Pauvres

par David Felner

Traduit par S. Staroswiecki

La lecture de la Megila d'Esther[1] à peine terminée, on commençait déjà à parler de pain azyme pour Pessah[2]. Dans les maisons d'études, les oratoires et les confréries, on s'agitait et on se demandait comment obtenir des dons pour fournir aux nécessiteux le nécessaire pour la fête.

Il y avait beaucoup de nécessiteux en ville, connus pour se plaindre de leur dure condition. On récoltait des dons et des marchandises à leur intention et on les leur apportaient en secret. Moshé Eynbinder, les « Koze »[3] et la femme de Teyblum, une responsable communautaire « craignant Dieu » étaient en charge de cette bonne action. Tous donnaient quelques heures par jour afin de remplir cette mission sacrée. Tout l'hiver, ils s'efforçaient de venir en aide aux pauvres dans le froid et pour Pessah, ils avaient pris sur eux la responsabilité de distribuer du pain azyme aux pauvres parce que '' les galettes de pain azyme et les linceuls, tout le monde doit en avoir''.

L'essentiel était que l'on fondait beaucoup d'espoir sur la communauté. A l'époque, elle était composée uniquement de « bons juifs »[4] et de fonctionnaires, mais à présent les membres du conseil communautaire étaient constitués de gens du peuple : Leyzer Bornstein, Moshé Koze, Moshé Birnbaum, des artisans juifs et on attendait beaucoup d'eux. De nombreux pauvres se réunissaient sous les fenêtres de la communauté et imploraient de l'aide.

La nouvelle que l'amicale des originaires de Kałuszyn à new York avait envoyé de l'aide aux pauvres de Kałuszyn s'était propagée à la vitesse de l'éclair.

Immédiatement, on avait organisé un comité du pain azyme composé d'Isroël Abraham Feygenboym, Haïm Obfal, Avrohom Felner (Malekh), Yidl  Piêknawieœ, et Yossef Jaworski. Ils étaient tous fiers qu'une main fraternelle leur soit tendue dans les moments de détresse.

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A la table du comité d'entraide
Au centre : Isroel Avrohom Feygenboym, Avrohom Felner,
le pharmacien Tenenboym, Haïm Obfal, Yudl Piêknawieœ

Le comité a immédiatement commencé son travail et les couturiers se sont battus pour être les fournisseurs de pain azyme pour le comité d'entraide. La tâche fut rude de satisfaire tous les ateliers de couture[5] et donner à chacun sa part.

Berl Beyglbeker soutenait que cette tâche lui incombait parce qu'il était dans la branche toute l'année. Le « Pijik » (surnom) lui aussi, faisait des beygl toute l'année. Pourquoi cela ne lui reviendrait il pas ? Shoshana Sore et ses fameux Pozhladkes[6] qui sentaient bon, avait raison naturellement, et Moyshé Kiczkowski aussi, l'enroué, un juif de si stricte observance, avait lui aussi ses raisons.

L'essentiel était que l'on se soit mis au travail dans les ateliers. Les porteurs d'eau, les porteurs de farine, ceux qui versaient la farine, ceux qui versaient l'eau, ceux qui pétrissaient, qui étendaient la pâte, qui servaient, ceux qui criblaient le pain azyme de petits trous, les enfourneurs, les porteurs de pain azyme, les juges rabbiniques, les rabbins, les curateurs ou simplement les responsables de la surveillance des règles alimentaires s'étaient mis en branle. Dans une pièce minuscule se pressaient de 8 à 10 personnes qui étendaient la pâte avec tout leur matériel et la roulait. On avait sorti les lits jusqu'à Pessah, pour qu'il y ait plus d'espace dans la pièce. On se contentait de dormir dehors, du moment qu'on faisait de la place pour pouvoir cuire le pain azyme. Mais on ne pouvait pas pousser les murs. Et ce fut comme le miracle de la sortie d'Egypte, de voir toutes ces personnes manipuler le rouleau à pâtisserie et faire des petits trous dans le pain azyme, serrées les unes contre les autres entre Pourim et Pessah dans des pièces minuscules. L'essentiel était que les galettes de pain azyme soient cuites et que de simples juives au bon cœur se réjouissent que personne ne puisse rester affamé pour la sainte fête de Pessah.

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Enfants a la Veille de Pessah

NdT

  1. Meguilat Esther : rouleau de parchemin racontant comment Esther, la femme du roi de Perse Assuérus sauve le peuple juif du complot fomenté par le premier ministre Aman. Le rouleau est lu tous les ans lors de la fête de Pourim. Return
  2. Pessah : Fête commémorant la sortie du peuple hébreu d'Égypte, caractérisée par l'interdiction de consommation de nourriture levée appelée « 'Hametz » (pains, pâtes, certains gâteaux...). Durant les 8 jours de fête, seule la consommation de pain azyme appelé « Matza » (galette préparée &agrace; base de farine et d'eau) est autorisée Return
  3. Koze : Surnom amical Koze signifiant « chèvre » en Yiddish. Peut être la famille de Moshé Koze mentionné dans le paragraphe suivant ou la famille Jedwab surnommée « Koze » page 486. Le ''Koze'' était également le surnom donné à la maison d'arrêt de Kaluszyn Return
  4. Littéralement « bon juifs » : Personnes qui ne sont pas dans le besoin Return
  5. Shvalnies : Ateliers de couture. On sortait les meubles des ateliers et on les remplaçait par des grandes tables. Return
  6. Pozhladkes : Spécialité de beignets aux oignons Return


[Page 118]

La première école hébraïque

par Paula Kaplan *– Tel Aviv

Traduit par S. Staroswiecki

En 1916, quelques sionistes de Kałuszyn se sont réunis et ont pris la décision d'ouvrir une école hébraïque du nom de « Tarbout [1]». A l'origine de cette initiative, il y avait les camarades : Mordekhai Koski, Leybl Rozenfeld, Yaakov Goldberg, Shmuel Solman, Yossef Yavorski, les frères Felner, Gershon Henekh, Israël Mankhemer, et mon père David Sitin.

Les premiers élèves de cette école « Tarbout » furent les enfants des fondateurs de l'école. Un professeur d'hébreu venant d'une autre ville s'est présenté : le professeur Huberman. Sans le moindre délai, le professeur a commencé à nous parler en hébreu. Il nous a salué d'un cordial « SHALOM », nous a posé la question « MA SHLOMKHA [2]? » et entamé une chanson : « heder katan tsar ve hamim, al ha kira esh [3]» et à partir de ces quelques mots et de cette chansonnette, un processus s'est enclenché qui nous a permis d'apprendre et de chanter en hébreu.

 

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Cours du soir en hébreu

 

Nous ne savions pas à l'époque que ces quelques mots d'hébreu, que nous entendions pour la première fois dans notre vie, seraient gravés en nous comme on plante un arbrisseau, et détermineraient notre croissance et notre route jusqu'à aujourd'hui. Nous ne savions pas à l'époque que, nous, gamins de 4 et 5 ans, premiers élèves de l'école hébraïque de Kałuszyn, serions également les premiers à faire partie des jeunes pionniers, que nous monterions en Israël et que nous serons des bâtisseurs en terre d'Israël.

A l'école, nous absorbions l'esprit de la terre d'Israël. C'est le but que s'étaient assignés nos parents : être des sionistes et des amoureux du pays. Mais nombre de nos parents ont eu des regrets et ont beaucoup souffert de ce que notre éducation hébraïque, pour laquelle ils avaient pris tant de plaisir, nous menait sur une autre route et était susceptible de nous éloigner d'eux. Quand nos parents ont réalisé que nous avions grandi et que prenions le chemin des pionniers, il était déjà trop tard et aucun d'eux n'a regretté d'avoir donné une éducation hébraïque à son enfant.

Beaucoup d'évènements tragiques se sont déroulés sous nos cieux, mais rien n'a pu nous détourner de notre chemin. La langue hébraïque s'est profondément ancrée en nous et le rêve de rejoindre la terre tant désirée n'a fait que grandir. Les lettres et les mots ont mené à des actions et il est dommage que tous n'aient pu concrétiser leur rêve.

Paula Kaplan – Tel Aviv


NdT

  1. Tarbout : de l'hébreu culture. Réseau d'éducation sioniste. Return
  2. Ma shlomkha : en hébreu, comment vas-tu ? Return
  3. Heder katan … : la pièce est étroite mais il faut chaud, dans le foyer brûle un feu. Return

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