Mauthausen (Autriche)


Comme dans tous les camps libérés, les troupes allièes trouvèrent à Mauthausen des centaines de cadavres...

Le 8 août 1938, Himmler ordonna de transférer quelques centaines de prisonniers de Dachau vers la petite de Mauthausen, tout près de Linz. Le but de ce transfert était de construire un nouveau camp afin de fournir une main-d'oeuvre gratuite à la carrière de pierre "Wiener Grabben" située à proximité immédiate. Jusqu'en 1939, le travail de ces prisonniers consista essentiellement à construire les baraques et les quartiers d'habitation SS. En tout et pour tout, le camp principal de Mauthausen était constitué de 32 baraques entourées d'une enceinte barbelée placée sous courant électrique à haute tension, de hauts murs et de plusieurs miradors. Suite au nombre extrêmement élevé de prisonniers entassés dans le camp principal, Franz Ziereis, commandant du camp, ordonna d'agrandir l'enceinte du camp vers le nord et l'ouest. Cette partie du camp fut appelée le "Camp russe". Les juifs hongrois et les prisonniers de guerre russes y furent placés et durent y survivre en plein air, sans aucune possibilité de s'abriter du froid et de la neige.


Le "camp russe"

Mauthausen était classé par l'administration SS camp de "catégorie 3". Cette catégorie de camp correspondait au régime le plus sévère et, pour les prisonniers qui y étaient envoyés, cela signifiait un "retour non désiré" "Rûckkehr unerwünscht" et l'extermination par le travail "Vernichtung durch arbeit". En été, les prisonniers étaient réveillés à 4h 45 a.m (5h 15 en hiver) et devaient travailler jusqu'à 19 heure. A cela s'ajoutait les appels et les distributions de nourriture.

Toutes les activités du camp gravitaient autour de la carrière de pierre et des construction de tunnels dans les tristement célèbres camps annexes de Gusen (I, II et III), Melk et Ebensee.

Dans la carrière "Wiener Graben", les prisonniers étaient divisés en deux groupes; ceux qui devaient extraire le granit et ceux qui devaient porter les pierres hors de la carrières en montant les 186 marches du terrible escalier qui menait à la carrière. Un témoin, Olga Wormser, a donné une description de ce que pouvait être le travail et la vie dans la carrière: " 87 juifs Hollandais furent envoyés à la carrière et séparés des autres prisonniers... Dans la carrière, il rencontrèrent deux SS connus sous les pseudonymes de "Hans" et "The blond Damsel". Armés de manche de pioche, es deux hommes foncèrent dans le groupe de prisonniers qui extrayait les pierres. A 11h 30, 47 des 87 juifs hollandais gisaient morts que le sol. Ces deux crapules massacraient les juifs sous les yeux de leur compagnons impuissants. Au cours de l'après-midi, quatre autres juifs hollandais furent encore tués. Ils ont été emmenés en haut de la carrière et les SS leur ont ordonné de se battre au bord du précipice. Si deux prisonniers s'écrasaient en contrebas, les deux vainqueurs pourraient survivre. Deux hommes sont effectivement tombés mais sitôt après les deux SS poussèrent les deux vainqueurs dans la carrière."

Une autre torture particulièrement appréciée des SS était de rassembler en plein hiver un groupe de prisonniers dans la cour du garage puis de leur ordonner de se déshabiller complètement. A ce moment, un garde SS les arrosait d'un jet d'eau glaciale. Les prisonniers devaient ensuite rester immobiles, nus et en plein air jusqu'à ce qu'ils meurent de froid. Cette torture était toujours mortelle dans une région où la température moyenne en hiver est de -10 -15 degrés.


D'autres survivants du "Camp Russe".

Aussi incroyable que cela puisse paraître, les camps annexes de Gusen étaient considérés par les prisonniers comme encore pires que Mauthausen. Le taux de mortalité à Gusen était plus haut encore qu'au camp principal. Les baraques de Gusen étaient divisées en deux sections "A" et "B" ("Stube A, Stube B"). Les malades, blessés ou ceux qui étaient devenus trop faibles pour travailler étaient entassés dans la section "B". Devant dormir à même le sol sans couverture, ne recevant ni soin ni eau ni nourriture, ils étaient condamné à mourir de faim dans des conditions indescriptibles.

Les conditions de vie à Ebensee et Melk étaient tout aussi horribles. A la mi-avril 1945, lorsque le complexe de Mauthausen fut plongé dans un chaos total suite à l'arrivée massive de prisonniers provenant d'autres camps évacués, le manque de nourriture fut tel que plusieurs cas de cannibalisme furent rapportés (Evelyn Le Chene "Mauthausen, the history of a death Camp").

Le 5 mai 1945, des unités de la 11ème division blindée US libérèrent le camp de Mauthausen. Plus 15.000 corps jonchaient le camp et furent enterrés dans des fosses communes les jours suivants. Au cours des semaines qui suivirent, 3.000 autres prisonniers moururent des suites de la malnutrition, de maladie ou tout simplement d'épuisement.


Survivants à la libéartion du camp. Le prisonnier sur le lit supérieur est déjà mourrant...

De 1939 à 1945 plus de 10.000 soldats SS ont servis en tant que gardes à Mauthausen et dans ses camps annexes. Les noms de 818 d'entre eux sont connus et quelques centaines ont été arrêtés par les troupes américaines. Lors du procès de Dachau le 7 mars 1946, 58 gardes furent condamnés à mort et 3 condamné à la prison à vie. Tous plaidèrent non-coupable...


Déposition de Franz Ziereis,
commandant du camp de concentration de Mauthausen


Franz Ziereis

Le 23 mai 1945, le Standartenführer SS Ziereis, commandant du camp de concentration de Mauthausen, était mortellement blessé par des soldats américains lors d'une tentative d'évasion. Le 24 mai 1945, Ziereis fut interrogé par les autorités. Le texte ci-dessous est l'enregistrement intégral de la déposition de Ziereis et a été certifié par le bourgmestre Feichtinger et par Edelbauer, officier de police à St. Valentin.

Il convient de préciser que dans certaines parties de cette déposition Franz Ziereis minimise ou au contraire exagère certains aspect des crimes commis par les nazis. Ainsi, lorsque Ziereis affirme que près de 1.500.000 personnes ont été gazées au château de Hartheim: en fait, on estime le nombre de victimes gazées à Hartheim à environ 30.000. Par contre, Ziereis minimise le nombre de prisonniers tués à Mauthausen il parle de 65.000 morts alors qu'on estime le nombre de victimes à minimum 120.000 mort, et plus probablement 150.000.

Franz Ziereis parle aussi du Reichführer Himmler et d'officier supérieurs SS (en particulier Mueller, Pohl et Kaltenbrunner). Mueller était le chef de la Gestapo, Pohl inspecteur général des camps de concentration et Kaltenbrunner fut le successeur de Heydrich à la tête du RSHA (Service de Sécurité du Reich).


"Mon nom est Franz Ziereis, né en 1903 à Munich, où ma mère ainsi que mes frères et soeurs vivent toujours. Je ne suis pas un homme méchant et me suis élevé uniquement grâce à mon travail. J'étais marchand de profession, et durant les périodes de chômage, j'ai travaillé en tant que charpentier. En 1924, j'ai rejoins le 11ème Régiment d'Infanterie de Bavière. Par après, j'ai été transféré au département "Formation" puis à Mauthausen avec le grade de commandant du camp. Les camps placé sous mon commandement étaient: Mauthausen, Gusen, Linz, Ebensee, Passau, Ternberg, Gross-Raming, Melk, Eisenerz, Beppern, Klagenfurt, Laibach, Loibl, Loiblpass, Heinkel, W. Wiener-Neustadt, Mittelber et Floridsdorf avec un nombre approximatif de 81.000 prisonniers. La garnison du camp de Mauthausen comptait 5.000 SS. Le nombre maximum de prisonniers enfermés à Mauthausen fut de 19.800. Sur l'ordre du SS-Hauptsturmführer Dr. Krebsbach une chambre à gaz a été construite et camouflée en douche. Les prisonniers étaient gazés dans cette chambre à gaz. Toutes les exécutions étaient faites sur ordre du Reichsführer SS et Chef de la Police Himmler, l' Obergruppenführer SS Kaltenbrunner, ou le Gruppenführer SS Mueller. En outre 800 prisonniers furent gazés au block 31 de Gusen I. Le Oberscharführer SS Jenschk a également assassiné 700 prisonniers à Gusen, mais je ne sais pas où.

Jenschk tuait les prisonniers de la manière suivante: alors que la température extérieure était de -12 degrés ils forçait les prisonniers à se baigner puis les faisait se tenir nus en plein air jusqu'à ce qu'ils meurent. Le Dr. Kiesewetter tuait les prisonniers par injection d'essence. L'Untersturmführer SS Dr. Richter opérait des prisonniers, quel que soit leur état - malade ou en bonne santé - , et leur enlevait des morceaux de cerveau, causant ainsi leur mort. Ceci fut fait à environ 1000 prisonniers. L'Obergruppenführer SS Pohl a envoyé les malades et les prisonniers épuisés dans les bois et les y a laissé mourir de faim. Ces prisonniers essayèrent de manger de l'herbe afin de survivre mais tous sont morts. De plus, Pohl diminua de moitié les rations journalières des autres prisonniers et tous ceux qui étaient malades ou affaiblis furent gazés. Cette chambre à gaz était située au château de Hartheim, à 10 kilomètres de Linz. Près de 1.500.000 y furent gazés. A Mauthausen, tous les prisonniers gazés étaient enregistrés comme "mort de cause naturelle".

Pohl m'a envoyé 6.000 femmes et enfants qui avaient voyagé dans des wagons ouverts pendant plus de 10 jours, par un temps glacial et sans recevoir aucune nourriture. On m'a ordonné d'envoyer les enfants ailleurs. Je crois qu'ils sont tous morts. Suite à cela je suis devenu très nerveux. Sur ordre de Berlin, 2500 prisonniers transport provenant d'Auschwitz ont été plongé dans de l'eau chaude, puis, par temps très froid, ont été forcé de rester nu en plein air jusqu'à ce qu'ils en meurent. Le Gauleiter Eigruber n'a jamais envoyé de nourriture, au contraire il a ordonné que 50% des rations destinées aux prisonniers soient distribuées à la population civile. Gluecks a ordonné que les prisonniers travaillant aux crématoires soient relevés toutes les trois semaines et immédiatement exécutés d'une balle dans la nuque parce qu'ils en savaient trop. Par après, il a été ordonné que tous les médecins et infirmiers soient envoyés dans un camp de travail afin d'y être exécutés.

Le camp de Lambrecht a été liquidé. Pohl accompagné de nombreuse femmes organisait des banquets et des saouleries dans une villa. Les prisonniers qui travaillaient dans cette villa ont été accusés de vol et transférés à Mauthausen avec l'ordre suivant: "destruction". La véritable raison était qu'ils en savaient trop.

Himmler ordonna un jour de charger une pierre de 45 kilos sur le dos d'un homme et de le faire courir jusqu'à ce qu'il tombe mort. Cette méthode s'étant montrée "efficace", Himmler ordonna de créer une compagnie disciplinaire utilisant ce genre de punition. Les prisonniers devaient soulever de lourdes pierres jusqu'à ce qu'ils s'évanouissent. Ils étaient exécutés dès qu'ils s'effondraient et on écrivait ensuite dans les registres "tué lors d'une tentative d'évasion". D'autres prisonniers étaient poussés vers l'enceinte barbelées électrifiée. D'autres encore ont été littéralement déchirés en morceaux par "Lord", le chien du commandant Bachmeyer. Le 30 avril, 33 prisonniers ont été rassemblés dans la cour du camp. L' Oberscharführer SS Niedermeyer et l' agent de la Gestapo Polaska les y ont ensuite littéralement tirés comme des lapins.. En tout et pour tout, et à ma connaissance, 65.000 prisonniers ont été assassinés à Mauthausen. Dans la plupart des cas, j'ai pris part à ces meurtres. Je me joignais régulièrement aux exécutions et utilisait alors une arme de petit calibre. Les gardes SS s'entraînaient au tir en utilisant des cibles vivantes.

Le Reichsminister Himmler et l'Obergruppenführer SS Kaltenbrunner m'ont ordonné de tuer tous les prisonniers sans exception au cas où la ligne de front s'approcherait de Mauthausen. J'avais reçu l'ordre de Berlin de détruire Mauthausen et Gusen, prisonniers inclus. Tous les prisonniers devaient être poussés dans une mine de Gusen. On devait ensuite faire sauter la mine à l'aide d'une forte charge explosive. Cette opération devait être faite par les Obergruppenführers Wolfram et Ackermann. C'est Pohl qui a ordonné cela."

Ziereis est mort peu de temps après cette déposition.

Copie certifiée exacte, extraite du procès contre le Dr. Guido Schmidt, Autriche, et publiée telle quelle dans le "Wiener Arbeiterzeitung" du 20 septembre 1945.