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Au début du livre

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Plaque de marbre dans le caveau de l'holocauste sur le Mt. Zion à Jérusalem

[Page 11 - Hébreu] [Page 12 - Yiddish]

Editorial

Trente-cinq ans, plus d'une génération, se sont écoulés depuis l'anéantissement de notre communauté martyre, mais le souvenir et l'horreur de cette époque ne s'effaceront jamais, et aujourd'hui encore, ils continuent de vivre dans le cœur et les âmes de tous les anciens résidents de la ville. Ces pages que nous publions aujourd'hui en sont la preuve.

Notre ville comptait 6,000 habitants – six mille juifs parmi les six millions de martyrs de l'holocauste le plus horrible que notre peuple n'ait jamais connu.

Seuls quelques-uns d'entre nous ont survécu à l'anéantissement ; seules quelques centaines se sont échappées de la vallée des larmes dans le pays de la Pologne – aujourd'hui nous sommes séparés et dispersés dans le monde entier et d'autres vivent ici en Israël.

Nous, les personnes endeuillées de l'Holocauste, ressentons le plus grand besoin spirituel d'accomplir les derniers droits de nos martyrs, qui n'ont pas eu droit à une sépulture juive correcte.

Nous nous acquittons de cette obligation sacrée avec la publication de ce livre qui présente une petite partie de la vie et des faits, des difficultés et de la destruction de notre communauté qui existait dans l'ombre de la glorieuse communauté juive de Varsovie. Seuls quelques documents qui ont survécu à l'enfer, sont présentés ici. De nombreux évènements ont été oubliés et perdus, tout comme ceux qui ont péris dans l'Holocauste ou décédés dans les années qui ont suivi.

Cependant, même cette petite quantité d'information que nous avons réussi à sauver de l'oubli est le fruit d'un travail considérable. Des efforts surhumains ont été nécessaires pour présenter ce matériel dans les pages qui vous sont proposées.

Ce livre est un “Kaddish” public à la mémoire de tous les membres de notre communauté. C'est un manuscrit qui restera l'héritage de chacun d'entre nous, comme un symbole et un mémorial éternel pour ceux qui nous suivront, pour que nos enfants se souviennent de leurs origines, apprennent des expériences funestes de leurs ancêtres et continuent la chaine sans fin des générations pour l'éternité.


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Notre ville

de Lejb Rochman

traduit en anglais par Lance Ackerfeld,
en français par Christine Lassiège et Reine Rotten

Nous sommes les enfants de cette ville. Je suis né, j'ai fait mes études et j'ai grandi là. Dans les ruelles de Minsk, nous avons joué avec d'autres enfants juifs de la ville. Dès mon plus jeune âge, mon corps a absorbé son air et a bu son eau. Mes rêves d'enfant étaient liés à chaque pierre et pavé ; chaque maison, clôture, jardin et fleur font partie de ma vie. Je les ai laissés derrière. Là, sur la route du chemin de fer, dont les deux côtés sont bordés de jeunes pins, se trouve une maison à deux étages, qui est encore debout aujourd'hui, dans laquelle se trouvait autrefois mon berceau d'enfant. Comme pour nous agacer, la maison subsiste ainsi que toute la route. La boutique avec la vitrine devant, dans laquelle se reflétaient les visages de ma mère et de mes sœurs, se tient toujours debout comme à l'époque, mais à leur place d'étranges visages surgissent du passé, semant la terreur dans la mémoire de mon enfance. La route est en deuil, et les boutiques la regardent tristement. Il n'y a plus d'enfants juifs turbulents et joyeux qui remplissaient l'air de bruit de leurs jeux et de leurs farces. Maintenant d'autres enfants y jouent à des jeux différents et leur voix ne sont pas des voix juives.

J'ai visité la ville plusieurs fois après le bain de sang qui a effacé les anciens habitants de la surface de la terre. Mon cœur tremblait à la vue des maisons familières que je connaissais si bien ; il semblait que des personnages familiers apparaitraient sous les porches des maisons ; il semblait que des visages connus apparaitraient et que l'éclat de leur sourire s'annoncerait en marchant, comme autrefois. Mais à leur place il y avait des visages inconnus, lugubres, froids, qui me suivaient, moi l'étranger, avec des regards insistants qui me faisaient frissonner. J'ai accéléré le pas et j'ai couru pour sauver ma vie.

* * *

Ma ville, celle qui pendant la période russe (tzariste), était connue comme Novo Minsk, après avoir été appelée Minsk-Zota et qui aujourd'hui est connue sous le nom Minsk Mazowiecki, est située à 40 km de la capitale Varsovie. De ce fait, des moyens de subsistance étaient disponibles, les habitants faisaient principalement du petit commerce et se rendaient à Varsovie, plusieurs fois par semaine, et revenaient dans des chariots avec des colis achetés dans les rues Nalbeki, Franciskanski etc. Ils remplissaient les chariots de peaux, de vêtements tricotés, de bric-à-brac et de boites cassées, ils étaient bénis dans tout ce qu'ils faisaient, et ils n'hésitaient pas à travailler dans la médiation, l'artisanat et l'enseignement. Les enfants grandissaient avec ces valeurs, se mariaient et entraient dans ces professions, et c'est ainsi que la vie a continué pendant plusieurs centaines d'années. Les juifs de Minsk vivaient paisiblement, avec leur propre style de vie, avec leur propres joies et douleurs, leurs propres soucis, leurs propres fêtes, leurs propres débats avec les rabbis, “les shochatim” (abatteurs rituels) et “admorim” [rabbis hassidiques]. Personne ne faisait de mal à qui que ce soit, personne ne se moquait, n'abusait ou ne transgressait les règles, dans la période de paix, avant la guerre – on ne leur causait pas de désespoir. Ce fut ainsi – comme c'est noté – pendant des centaines d'années, et cette vie tranquille aurait donc pu continuer pendant encore plusieurs centaines d'années.

Ma ville était divisée en « cette ville-ci » et « cette ville-là ». La (rivière) Sarevarna coulait entre ces deux villes, et se jetait après Otwock dans le Szwajder. Les jeunes se baignaient près du jardin de Fritz et s'amusaient dans les bois de Szenitzi. Le samedi, tous les habitants de la ville se rendaient en masse dans les bois – jeunes et vieux, hommes, femmes et enfants. Chaque famille apportait une couverture et l'étendait sur l'herbe, entre les arbres, et profitait de s'assoir ou de s'allonger, entourée de parfums agréables. Les enfants descendaient la longue corde avec le seau dans le puits profond près de la barrière du train et remplissaient des bouteilles d'eau, qu'ils buvaient directement, appréciant la boisson fraîche dans la chaleur de la journée.

A travers cela, je me rappelle maintenant qu'une hache étrangère a coupé les bois, et (à leur place) de nouvelles maisons étroitement serrées se dressent. Elles n'ont rien à voir avec les anciens habitants qui ont été abattus par cette même hache.

* * *

Je me sens coupable envers ma ville : je l'ai quittée pour la grande ville à la recherche de la sagesse et du savoir. J'imaginais échapper « à la provincialité », au « sous-développement ». Je me suis fui moi-même ! j'ai fui la source de ma vie ! J'oublie tout : la grande ville avec ses habitants et sa sagesse, mais je me souviendrai toujours de toi, ma petite ville avec ta simplicité, ta bonté, ta cordialité. La civilisation, le progrès, et tout ce qui y est associé à la grande ville m'ont déçu. Ce que je me rappellerai volontiers, ma petite ville, ce sont tes costumes et le style de vie, tes austères jours de semaine, tes samedis et tes vacances. Je t'aime et me souviendrai toujours de la ville de ma petite enfance, et malgré tout mon amour pour toi, je m'enfuis vers des terres lointaines.

* * *

Je me souviens bien de la tristesse des mères lorsque leurs enfants se sont détachés et ont pris le large - comment la branche a-t-elle pu s'éloigner autant du tronc ?

Pauvres chères mères qui ont été soudainement déracinées pour l'éternité ! Le tronc a été déraciné par des mains souillées et meurtrières tandis que les branches fleuries ont été assimilées dans des pays lointains et ont fleuri, mais leur nourriture, ils la tirent de leur passé récent, de la petite ville. Ils pleurent maintenant sur l'énorme destruction et ils représentent l'espoir futur de notre peuple torturé !

 

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Updated 30 Sep 2021 by JH