Comment une famille a survécu à la terreur nazie

par David Rumbach, Tribune Staff Writer
(article publié précédemment par le South Bend Tribune dans son édition du 9 mai 1997).

South Bend - David Niekerk possède un court métrage émouvant où l'on peut voir son père et son oncle jouer innocemment le long d'une petite route près de leur maison en Hollande. Cela se passait en 1940, quelques mois après l'invasion nazie. Sur la route, on distingue de grandes lettres peintes. Elles forment le mot "Jood" (juif). Justa à côté, une étoile à six branches peinte en jaune. "Ils jouaient juste sur l'étoile, oubliant ce que ces signes signifiaient et leurs implications" remarque Niekerk.

Les implications: une terrifiante histoire faite de brutalité, de fuite et de survie, une histoire qui ne vint à la connaissance de Niekerk que dans ces cinq dernières années. Niekerk, 41 ans, considère son père, son oncle et ses deux tantes comme des survivants de l'Holocauste, et ce même s'ils purent échapper à la déportation vers Auschwitz et Bergen-Belsen. Leurs expériences de la terreur nazie font qu'ils ressentent plus que d'autres la signification de cette année "Yom Hoshoah", ou commémoration de l'Holocauste.

Sponsorisée par la "Jewish Federation of St. Joseph Valley", le musée se consacre au 1.500.000 enfants juifs assassinés dans les camps de la mort. Pendant plus de six heures, jeudi, des étudiants de la région ont parcouru la salle du tribunal du juge Terry Crone afin d'y lire les noms des jeunes victimes. "Si vous aviez été enfant dans un camps de concentration, vous pouviez être sûr d'être sélectionné pour l'extermination" a dit le juge.

Mais Simon et Rose Niekerk ainsi que leurs quatre enfants ne furent jamais envoyés dans un camp de la mort, et ce grâce à l'ingéniosité de Simon, le grand-père de David Niekerk. Les juifs de Hollande furent systématiquement envoyés dans un camp d'internement situé dans le nord, à Westerbork. Ce camp était sous contrôle commun hollandais et allemand. Personne n'y fut tué, tout simplement parce que, dans les termes de l'occupation, de telles exécutions ne pouvaient avoir lieu sur le sol hollandais, nous dit Niekerk.

Cela et le fait que la communauté juive avait prospéré en Hollande a plongé la communauté dans une fausse impression de sécurité. "Ils ne pouvaient croire que cela arriverait en Hollande" nous dit Niekerk. Mais Simon Niekerk avait lu la version néerlandaise du livre d'Hitler "Mein Kampf" et savait à quoi s'attendre. En tant qu'homme d'affaire prévoyant, il liquida ses biens et les transféra dans la clandestinité, nous dit Niekerk. Puis il fit tout ce qu'il put pour encourager ses amis et connaissances juifs à se cacher. Beaucoup d'entre eux refusèrent.

La terreur nazie se révéla en février 1943, près de trois ans après le début de l'occupation. Cela s'est passé dans la maison des Niekerk, à Voorburg, dans la périphérie de La Haye. Des soldats enfoncèrent la porte, réunirent toute la famille et lui ordonnèrent d'être prête à quitter les lieux endéans les deux heures. Le père de Niekerk avait alors 8 ans. Sa plus jeune soeur n'avait que deux semaines. "Ils ont pris le chat de la maison, ont écrasé sa tête avec leurs bottes puis l'ont jeté dans la rue" raconte Niekerk. "Puis ils ont dit à mes grands parent: 'C'est ce qui arrivera à vos enfants si vous ne nous suivez pas' ".

Mais au lieu d'obéir aux ordres des nazis, la famille appliqua le plan prévu de longue date par Simon Niekerk. Le plus jeune des enfants fut confié à la bonne. Les trois autres enfants furent séparés et placés dans trois cachettes différentes mises à leur disposition par ceux que la communauté juive appelle à présent "les justes". La famille ne sera plus réunie avant la libération de la Hollande par les troupes américaines et canadiennes en mai 1945.

Niekerk raconte que la vie de son oncle fut relativement facile pendant ces 26 mois de clandestinité. Il avait été envoyé dans une ferme et disposait d'une relative liberté de mouvement. Par contre, son père du passer par différentes cachettes, y compris une où "il fut forcé de rester dans une toilette pendant des mois, et ce jusqu'à la fin". "Il y fut quelque fois maltraité" raconte David Niekerk. Finalement, la famille émigra aux Etat-Unis en 1952 et s'installa en Californie. Deux enfants naquirent encore avant que Simon et Rose Niekerk ne quittent l'Europe définitivement.

Alors que la famille commençait ce qui allait devenir une vie prospère aux Etat-Unis, toute discussion à propos de ce qui s'était passé pendant les années de guerre fut strictement interdite. La famille avait perdu presque tous ses membres. La raison en était que, bien qu'il n'y ai pas eu de chambres à gaz à Westerbork, les trains arrivaient deux fois par semaine pour transporter les juifs vers Auschwitz.

Dans l'ensemble, on estime que près de 80% des 147.000 juifs vivant en Hollande avant la guerre ont péri du fait des nazis. Mais David Niekerk, directeur des ressources humaines chez AlliedSignal à South Bend, a toujours voulu en connaître plus à propos de l'Holocauste. Il essaya de trouver les moyens de briser le silence. Ainsi il y a 9 ans, David Niekerk eu une conversation avec Michael Vogel, un survivant d'Auschwitz habitant Indianapolis, puis écrivit le résultat de cette conversation à son père. Celui-ci se décida alors à parler de ces années sombres.

Le plus important arriva cependant il y a 5 ans, lorsque Niekerk découvrit un coffre rempli de photos, de livre de famille et de documents dans le garage de son père. Ce coffre contenait des photos du mariage de Rose et Simon dans la fameuse synagogue de La Haye. Il y découvrit aussi des dizaines de photos de parents ayant péri dans les camps. Niekerk a ainsi réuni toute une documentation et augmenta même sa connaissance de l'histoire de sa famille lors du voyage qu'il fit en Hollande en 1995, lors de la commémoration des 50 ans de la libération.

Dans la vieille ville de Voorburg, il rencontra enfin des gens qui avaient connu ses grand-parents. Le puzzle de l'histoire de sa famille était complet.

David Rumbach