Ebensee (Autriche)

(camp annexe de Mauthausen)

par Mark Vadasz


Four crématoire à Ebensee

Avec Gusen, Ebensee est considéré comme un des pires camp annexe de Mauthausen.

La construction du camp commença fin 1943 et les premiers 1000 prisonniers arrivèrent de Mauthausen et d'autres camps annexes le 18 novembre 1943. La fonction de ce camp était de fournir une réserve de main-d'oeuvre pour la construction d'énormes tunnels destinés à abriter des usines d'armements.

La journée de travail commençait à 4h30 et se terminait à 6h le soir. Après peu de temps il fut organisé une tournante dans les équipes de travail afin que les chantiers fussent en activité 24h sur 24. Il n'existait aucune infrastructure pour protéger les premiers prisonniers de l'hiver autrichien, et cela augmenta de manière astronomique le taux de mortalité du camp. Les corps étaient entassés en tas et, parce que le camp ne disposait pas de crématoires, ils étaient transférés à Mauthausen tous les 3-4 jours afin d'y être brûlés. Les morts étaient également entassés dans les rares baraques existantes. L'odeur de la mort, combinée à celles de maladies et d'infection était absolument insupportable. Les prisonniers portaient des chaussons de laine. Lorsque ces chaussons tombaient en pièce, ils devaient aller travailler pieds nus. Ces conditions de vie indescriptibles s'ajoutaient à un manque de nourriture chronique: la ration quotidienne consistait en un demi litre de "café" (de l'eau tiède avec du faux café), à midi de trois quarts de litre de soupe faite de pelures de pommes de terre et le soir de 150 gr. de pain. Encore faut-il savoir que ces rations étaient régulièrement diminuées. Très vite, les poux envahirent le camp.

Le camp était entouré d'une enceinte barbelée et de miradors armés de mitrailleuses.

Le commandant de Mauthausen Franz Ziereis envoya son homme le plus brutal pour commander le camp: Georg Bachmayer. Après avoir établi son autorité et les règles à appliquer, il retourna à Mauthausen et laissa le camp sous l'autorité d'un officier SS qui se révéla être mentalement malade. La combinaison de ces deux facteurs fit que bientôt un régime de terreur incroyable régna sur le camp.


Survivants à la libération du camp.

Une des tortures favorites de Bachmayer était de lier un prisonnier avec les bras dans le dos puis de le pendre ainsi à un arbre à quelques centimètres du sol. Bachmayer lâchait alors son chien, "Lord", qui avait été dressé pour déchiqueter les prisonniers. Le malheureux mourrait dans de longues et atroces douleurs.

Début 1944, un nouveau commandant fut nommé à Ebensee: l'obersturmfûhrer Otto Riemer. Les conditions de vie dans le camps se détériorèrent encore plus. Chaque jour, ce SS battait, torturait et tuait les prisonniers lui-même. Il offrait des rations de cigarettes supplémentaires aux sentinelles ayant tué le plus de prisonniers. Lorsque une sentinelle n'avait pas son nombre de mort, elle arrachait le béret d'un prisonniers et le jetait dans la zone interdite près des barbelés. Le prisonnier était alors forcé d'aller chercher son béret et, sitôt la limite de la zone interdite franchie était immédiatement abattu.

Riemer, tout comme Bachmayer, était un grand amateur de vin et de femmes et se livrait à d'incroyable beuveries en compagnies d'autres SS plus jeunes. Lors d'une de ces beuveries, le 18 mai 1944, lui et 12 des SS qui lui tenaient compagnie, entrèrent dans le camp et commencèrent à tirer dans toutes les directions. Il y eut 12 morts.

Petit à petit, le camp se développa et des baraques furent construites. Le chef du bloc 19 était connu pour son sadisme. Son passe-temps favori était de forcer les prisonniers à effectuer des exercices physiques toute la nuit, et ce après une journée de travail épuisante. Après une nuit sans sommeil, les prisonniers repartaient pour le travail. En général, les malheureux qui étaient désignés pour ce bloc mourraient endéans les 10 jours. Ce système d'extermination était très apprécier par le commandant parce qu'économique. Lorsque le camp annexe de Wels fut construit, le chef du bloc 19 y fut nommé commandant...

Ebensee eut bientôt son propre crématoire. Celui-ci fut construit à l'écart des autres bâtiments, avec une énorme cheminée pointant vers le ciel.

Le bloc 23 était comparable au "Bahnhof" à Gusen ou au "Russenlager" à Mauthausen: morts et vivants étaient entassés dans les baraques. A l'apogée du camp, près de 600 prisonniers s'entassaient à même le sol dans les baraques.

Avec l'arrivée de la fin de la guerre et les évacuations forcées des déportés, une énorme pression fut exercée sur l'ensemble des camps dépendant de Mauthausen. Les 25 baraques d'Ebensee avaient été conçues pour abriter 100 prisonniers. Bientôt, chacune d'elles abritèrent 750 hommes. A ce nombre, il faut encore ajouter les prisonniers confinés dans les tunnels ou ceux forcés de rester en plein air. Le crématoire était incapable de brûler les cadavres et les corps furent bientôt entassés entres les baraques. Dans les dernières semaines de la guerre, le taux de mortalité avoisinait 350 morts par jours.


Ebensee à la libération le 9 mai 1945.

Bientôt une énorme tranchée fut creusée afin d'y enterrer les morts. En un seul jour d'avril 1945, on retira 80 morts du bloc 23. A cette même période, la population du camp atteignait 18.000 prisonniers.

Les troupes américaines libérèrent le camp le 9 mai 1945. Le 19 mai 1945, Bachmayer se suicida après avoir tué toute sa famille. Riemer parvint à s'échapper.