1998

Cinquante années ont passé depuis ce jour mais je me souviens toujours de mes sentiments en découvrant ce camp nommé Ohrdruf. J'appris plus tard que ce camp était attaché administrativement à un autre camp appelé Buchenwald. Le nom du camp venait de la ville du même nom, ville apparemment connue dans les environs parce que Jean Sébastien Bach y a composé quelques unes de ses oeuvres.



Libération d'Ohrdruf. Le Général Eisenhower est au milieu du groupe de soldats, il porte un képi.

4 avril 1945

RAPPORT SUR LA REDDITION DU CAMP DE CONCENTRATION D'ORHDRUF.

Cela s'est passé le 4 avril 1945. Ce jour-là j'étais en patrouille en tant que membre d'une unité de reconnaissance attachée au quartier général du 354ème régiment d'infanterie, 89th Division d'Infanterie, 3ème Armée U.S.

Je me souviens que c'était un belle matinée de printemps, juste gâché par le fait que nous subissions une attaque de mortier. Je me rappelle très bien ma surprise de voir le Brigadier Général Robertson se promener en plein milieu de la route. C'était un officier qui pensait que montrer de la nonchalance face au feu faisait partie de son rôle de général.

J'étais impréssionné mais je suis resté couché dans le fossé jusqu'à ce que l'attaque cesse. Peu après, une connaissance me fit savoir qu'un camp situé juste derrière la colline venait d'être libéré.

Cinquante années ont passé depuis ce jour mais je me souviens toujours de mes sentiments en découvrant ce camp nommé Ohrdruf. J'appris plus tard que ce camp était attaché administrativement à un autre camp appelé Buchenwald. Le nom du camp venait de la ville du même nom, ville apparemment connue dans les environs parce que Jean Sébastien Bach y a composé quelques unes de ses oeuvres.

Vu de l'extérieur, le camp n'avait rien de bien particulier. Il était entouré d'une haute enceinte de fils de fer barbelés et il y avait une pancarte en bois avec les mots "Arbeit Macht Frei". Le porche qui servait d'entrée au camp était ouvert et une jeune soldat, probablement un SS, gisait mort en travers du porche. Le camp était situé dans une forêt et était entouré par d'épaisse rangées de sapins et autres conifères. L'intérieur du camp était composé d'une large place d'environ 100 mètres carrés entourée de baraques peintes en vert. Ces baraques semblaient pouvoir contenir environ 100 prisonniers.

A peine étions nous entrés dans cet ensemble qu'une insupportable odeur faite de chaux, de pourriture, de vêtements sales, d'excréments et d'urine nous assaillit. Au milieu de la place, nous découvrîmes environ 60 ou 70 prisonniers morts, portant des uniformes rayés. Nous apprîmes qu'ils avaient été mitraillés le jour précédant notre arrivée parce qu'ils étaient trop faibles pour prendre part à l'évacuation des prisonniers vers un autre camp. Les SS voulaient à tout prix éviter les unités américaines et russes qui approchaient.

Tout près de la place d'appel, il y avait un genre de réduit dont un côté était ouvert. A l'intérieur de ce réduit, il y avait des cadavres entassés comme on entasserais des bûches: une couche dans un sens, une couche dans l'autre et ainsi de suite. Chaque couche de cadavres était recouverte de chaux. Je ne l'ai pas vu personnellement mais on m'a dit que parmi les cadavres, on a découvert le corps d'un aviateur américain. On nous expliqua que ce réduit était utilisé pour les punitions, et qu'on y frappait les prisonniers sur le dos et la tête avec une pelle. Je crois que tous sont mort suite à ce traitement.

J'ai visité quelques unes des baraques et y ai trouvé des survivants qui s'étaient cachés pendant le massacre. Ils étaient hébétés et semblaient devoir faire un effort surhumain pour comprendre ce qui se passait. Certains étaient à 5 dans une couchette, d'autres erraient ça et là.

Ce fut le premier camp a être libéré par les armées alliées en Allemagne. Ohrdruf fut visité par le General Eisenhower, le Général Patton et le Général Bradley et il y a des photos où on les voit regarder les cadavres des prisonniers mitraillés. Selon Eisenhower, Patton refusa de visiter le réduit utilisé pour les punitions parce qu'il craignait d'en être malade. De fait, il vomit peu après.

Plus à l'intérieur du camp nous découvrîmes les traces d'une tentative d'exhumation puis de crémation d'un grand nombre de cadavres. Il y avait des potences, bien que je ne me rappelle pas si je les ai vues ou non. Je ne me vois pas quitter le camp. Je me souviens seulement m'être sentis comme assommé après avoir vu cela. Je venais d'avoir 20 ans et j'avais lu un livre autobiographique appelé "Out of the Night". C'était une pâle description d'un camp de concentration faite par un réfugié allemand.

Je me souviens être devenu fou de colère lorsque nous sommes retournés dans nos quartier. Toute cette expérience était bien au delà de mes capacité de compréhension. J'écrivis une lettre à mes parents racontant ce que j'avais vu dans le camp et elle fut lue lors d'une réunion d'homme d'affaire. La plupart des gens ne me crurent pas.

Bruce Nickols